Situation toujours tendue pour la presse
Quatre jours après la tentative supposée de coup d'Etat, près d'une dizaine de journalistes sont toujours victimes d'intimidations, dont le correspondant de RSF. Au moins cinq d'entre eux ont dû trouver refuge dans des ambassades. Les stations de radios menacées n'ont reçu aucune protection des autorités.
Selon les informations recueillies par RSF, la situation de la presse haïtienne ne s'est toujours pas normalisée quatre jours après la tentative supposée de coup d'Etat du 17 décembre. Se sentant menacés, près d'une dizaine de journalistes continue à se cacher. Cinq d'entre eux auraient trouvé refuge dans des ambassades et chercheraient à quitter le pays. Au moins deux des quatre stations de radios qui avaient été contraintes de cesser leurs émissions le 17 décembre affirment que la police ne leur a proposé aucune protection. Pourtant, au cours d'une allocution dans l'après-midi du lundi, le président Jean-Bertrand Aristide avait pris l'engagement de faire respecter la liberté d'expression. De plus, le 11 décembre, une réunion avait été organisée entre les médias et la police, à l'initiative de cette dernière qui souhaitait améliorer ses relations avec la presse. Les radios privées, dont la majorité avait soit suspendu ses bulletins d'information, soit cesser d'émettre dans la journée du lundi, ont progressivement repris leur programmation. Cependant, Radio Caraïbes FM a annoncé la suspension de ses émissions de nouvelles jusqu'en janvier 2002. Radio Maxima, basée au Cap-Haitien, n'a pas encore repris ses programmes d'information en raison du sentiment d'insécurité éprouvé par ses journalistes selon le directeur de la station, Jean Robert Lalanne. La persistance d'un climat d'insécurité a également conduit Radio Kiskeya à ne pas reprendre son émission "Dim ma diw" ("De vous à moi") dans laquelle les auditeurs sont invités à prendre la parole et le font parfois de façon virulente. Toujours selon les informations recueillies par RSF, Thony Jean Ténor, un citoyen haïtien résidant en Floride, a affirmé le 19 décembre à l'antenne de la radio publique Radio Nationale, qu'Ives-Marie Chanel travaillait avec l'Organisation du peuple en lutte (OPL, opposition). M. Ténor, interrogé par Jean Th. Pierre-Louis, directeur des nouvelles à Radio Nationale, a également assimilé M. Chanel aux "gens frustrés" par l'échec de la tentative de coup d'Etat. Le 18 décembre, le journaliste était intervenu sur la radio Kafou, une station de la communauté haïtienne basée en Floride. Il s'était dit attristé par la situation de violence en Haïti et avait fait part du climat d'insécurité qui règne pour les journalistes. Depuis les déclarations de M. Chanel sur Kafou, le directeur de cette radio, Alex Saint Surin, affirme être attaqué par les radios pro-Lavalas basées en Floride. Ives-Marie Chanel est directeur de la radio Sans-Souci FM, directeur des programmes à Radio Ibo, correspondant en Haïti de l'agence Inter Press Service (IPS) et de RSF. Rappel des faits
A l'aube du 17 décembre, une trentaine d'hommes armés avaient attaqué le palais présidentiel à Port-au-Prince. Quelques heures plus tard, les forces de l'ordre avaient repris le contrôle du palais après avoir donné l'assaut. A l'appel de la présidence, plusieurs milliers de partisans de Jean-Bertrand Aristide, étaient descendus dans la rue. Armés de machettes, de bâtons et de revolvers, ils avaient menacé une dizaine de journalistes. "Nous vous aurions abattu si vous êtiez un journaliste de Radio Caraïbes", avaient déclaré des manifestants à l'un d'entre eux. Pour des raisons de sécurité, quatre stations privées de la capitale avaient cessé d'émettre. Les manifestants avaient aussi attaqué les locaux de plusieurs partis de l'opposition. Cette dernière a depuis qualifié la tentative de coup d'Etat de "montage" contre elle.