Sept journalistes inculpés, six d'entre eux écroués, deux autres arrêtés : la répression fait rage

Reporters sans frontières exprime son extrême inquiétude et sa colère face à la répression qui s'abat depuis une semaine sur les représentants les plus éminents de la presse gambienne. Le 18 juin 2009, alors que deux journalistes étaient arrêtés, sept autres étaient inculpés pour "publication séditieuse" et six d'entre eux étaient écroués à la prison Mile Two de Banjul. "Cette vague d'arrestations, dont l'ampleur est sans précédent, constitue une manoeuvre du gouvernement gambien pour réprimer le journal d'opposition Foroyaa et surtout pour réduire au silence The Point, l'unique quotidien indépendant du pays. Depuis des années, Yahya Jammeh démontre son intolérance envers les médias, mais rarement son message aura été aussi clair. Il s'agit pour lui d'étouffer définitivement toute voix critique", a déclaré l'organisation. "Toutes les institutions dont la Gambie est membre, comme le Commonwealth ou la CEDEAO, et les gouvernements qui peuvent encore avoir de l'influence sur les autorités de Banjul, l'administration américaine par exemple, doivent condamner les pratiques de Yahya Jammeh avec la plus grande fermeté. L'accusation de 'sédition' est absurde. Aucun effort ne doit être ménagé au niveau diplomatique pour obtenir l'abandon des charges et la libération des journalistes incarcérés", a ajouté l'organisation. Sept journalistes - cinq membres de l'Union de la presse gambienne (Gambia Press Union – GPU) et deux employés du journal d'opposition Foroyaa –, ont été présentés, le 18 juin, au tribunal de police de Kanifing et inculpés pour "publication séditieuse". Six d'entre eux ont été écroués à la prison de Mile Two à Banjul. Il s'agit du secrétaire général de la GPU Emil Touray, de son trésorier Pa Modou Fall, de Pap Saine et Ebrima Sawaneh, respectivement directeur de publication et rédacteur en chef du quotidien The Point, ainsi que de deux collaborateurs du journal Foroyaa, Sam Sarr, rédacteur en chef et Abubakar Saidykhan, reporter. Seule la vice-présidente de la GPU, Sarata Jabbi-Dibba, mère d'un enfant en bas âge, a été libérée contre le paiement d'une caution de 200 000 dalasis (environ 5 400 euros). Tous doivent comparaître à nouveau devant le tribunal le 22 juin. Ils avaient été arrêtés le 15 juin, les premiers dans les locaux de la GPU, Sam Sarr à son domicile par des agents de l’Agence nationale de Renseignements (NIA) habillés en civil et circulant dans un véhicule immatriculé BJL 7176F, et enfin Abubakar Saidykhan lorsqu’il a voulu signaler l’arrestation de son collègue. Le 18 juin, la police gambienne a également procédé à l'arrestation d'Abba Gibba, responsable de la rédaction de The Point, et de Halifa Sallah, directeur de publication de Foroyaa et chef de l'opposition. Ces deux journalistes n'ont pas été inculpés. Cette vague d’arrestations fait suite à la publication, le 12 juin, d’un communiqué de la GPU appelant le président Jammeh à reconnaître la responsabilité de son gouvernement dans l’assassinat de Deyda Hydara en 2004. Le 8 juin, dans un entretien à la télévision gouvernementale GRTS, le président Yahya Jammeh avait démenti toute implication de l’Etat dans ce crime. Les journalistes avaient qualifié ces commentaires de "provocateurs" et "inopportuns". Deyda Hydara, directeur et cofondateur de The Point, par ailleurs correspondant en Gambie de l’Agence France-Presse (AFP) et de Reporters sans frontières, a été tué par balles le 16 décembre 2004 par des inconnus alors qu’il circulait au volant de sa voiture dans un quartier périphérique de Banjul. Deux missions d’enquête menées par Reporters sans frontières ont amené de sérieux soupçons quant à la responsabilité des services de sécurité gambiens, notamment un groupe semi-clandestin de partisans du chef de l’Etat, baptisé les "Green Boys". Deyda Hydara, journaliste le plus célèbre et respecté du pays au moment de son assassinat, était connu pour sa liberté de ton et ses critiques acerbes du gouvernement. En mars dernier, dans une lettre intitulée "Sauvez The Point", Reporters sans frontières avait attiré l'attention du secrétaire général du Commonwealth, Kamalesh Sharma, sur la situation extrêmement précaire de The Point et le harcèlement mené par les autorités à l'encontre de son directeur. Voir la lettre Une nouvelle fois, Reporters sans frontières exprime une inquiétude particulière pour Pap Saine, dont l'état de santé est fragile.
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Updated on 20.01.2016