Semaine noire pour les journalistes gambiens : Reporters sans frontières demande à Condoleezza Rice d'intervenir
Organisation :
Reporters sans frontières a écrit à la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, pour lui faire part de son « extrême inquiétude face à la désagrégation continue de la démocratie en Gambie, et notamment du sort inadmissible réservé aux journalistes », déjà durement frappés par le mystérieux assassinat de l'un des leurs à la fin de l'année 2004.
Dans sa lettre, l'organisation souligne l'aggravation du climat depuis l'assassinat resté impuni, le 16 décembre 2004, du journaliste Deyda Hydara, cofondateur et directeur du trihebdomadaire The Point, correspondant de l'Agence France-Presse (AFP) et de Reporters sans frontières à Banjul. « Notre organisation souhaite en particulier attirer votre attention sur le bilan alarmant d'une semaine noire que viennent de vivre les journalistes gambiens, déjà profondément meurtris par l'exécution de celui qu'ils considéraient comme leur doyen », a écrit Reporters sans frontières.
« Alliant le mépris à la violence, le comportement du gouvernement gambien est indigne d'un régime qui se prétend démocratique. La révolte que nous inspire son agressivité envers la presse indépendante est alimentée par l'impunité politique dont bénéficie le président Yahya Jammeh, malgré les propos outranciers qu'il a tenus ces dernières années et les atteintes répétées à la liberté de la presse recensées dans son pays. Les liens étroits que les Etats-Unis d'Amérique entretiennent avec la Gambie ne doivent plus servir de protection à un pouvoir qui se durcit de mois en mois », a ajouté l'organisation. Reporters sans frontières rappelle que, aux côtés de la famille et des confrères de Deyda Hydara, elle avait plusieurs fois demandé au gouvernement gambien la mise en place d'une commission d'enquête indépendante pour pallier l'incapacité des enquêteurs gambiens à faire avancer l'enquête.
« Depuis l'année dernière, l'exemple que la Gambie donne au continent africain, sous les yeux indifférents de la communauté internationale, est dangereux. Il signifie aux démocrates africains et aux journalistes indépendants qu'être en désaccord avec le pouvoir en place est un risque pour sa propre liberté, voire pour sa propre vie, et que cette situation scandaleuse ne sera sanctionnée par aucune protestation de la part des démocraties. Dans ce contexte, nous tenons à souligner le courage et la constance des journalistes gambiens, qui ont toujours été fidèles à la voie du dialogue et de la légalité face aux brutalités dont ils ont régulièrement été victimes », a conclu Reporters sans frontières.
Dans son courrier, l'organisation rappelle que, dans la semaine du 12 au 16 décembre 2005, trois incidents sont venus rappeler l'hostilité du gouvernement gambien à la liberté de la presse. Ainsi, le 16 décembre, les participants à une conférence organisée à Banjul par la Gambia Press Union (GPU) en hommage à Deyda Hydara, avaient prévu de se rendre sur les lieux du crime, rue Sankung Sillah, dans le district de Kanifing, afin de marquer la fin d'une année de deuil. Or, peu après 16 heures, la délégation s'est heurtée à une unité armée des forces anti-émeutes qui leur a interdit l'accès à cette rue en terre, située dans un quartier industriel, sous prétexte qu'elle avait « reçu l'ordre de les empêcher d'entrer dans le secteur ». Une photographe du quotidien privé Daily Observer, Ramatoulie Charreh, a été brutalisée jusqu'à perdre conscience, après avoir pris un cliché de la scène. Elle a dû être hospitalisée.
Reporters sans frontières souligne également que la ministre gambienne de l'Information, Neneh Macdouall-Gaye, avait donné son accord pour faire une déclaration, lors de la séance d'ouverture de la conférence de la GPU, le 15 décembre dans la matinée. Or, celle-ci ne s'est jamais présentée. Les seuls officiels présents à la conférence étaient un représentant de la police et un membre de la National Intelligence Agency (NIA), les services de renseignements.
L'organisation rappelle enfin que, le 12 décembre, l'obstruction des autorités gambiennes a empêché le départ du responsable du bureau Afrique de Reporters sans frontières, invité à participer à la conférence de la GPU. Aucune explication officielle n'a été fournie par le gouvernement, en dépit du fait qu'une demande de visa complète avait été déposée par notre organisation le 24 novembre. Un délai de 48 heures est normalement demandé aux ressortissants français pour obtenir un visa pour la Gambie.
Publié le
Updated on
20.01.2016