Russie : détenu depuis 5 ans au Daghestan, Abdoulmoumine Gadjiev devenu lanceur d’alerte sur les tortures commises par les forces de l’ordre

Condamné à 17 ans de réclusion à la suite d’un procès fantoche pour “terrorisme”, le journaliste daghestanais est devenu lanceur d’alerte depuis sa cellule. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une procédure judiciaire biaisée et demande sa libération.

Détenu arbitrairement en Russie depuis le 14 juin 2019, soit depuis cinq ans, Abdoulmoumine Gadjiev n’a pour autant pas cessé d’être journaliste. Il continue d’écrire en prison via des manuscrits remis à son avocat pour le média indépendant en ligne Tchernovik, qui a publié plus de 350 articles signés du journaliste emprisonné. Il dénonce notamment la pratique généralisée de la torture par les forces de sécurité au Daghestan, république du Caucase russe. 

Abdoulmoumine Gadjiev a publié entre autres des articles sur les interrogatoires violents infligés à Mirzaliyev Mirzali, l’un de ses co-détenus accusé de terrorisme. Ces révélations ont déclenché l’ire des autorités, et notamment du Service fédéral de sécurité (FSB), qui a pesé de tout son poids sur le tribunal pour prolonger sans cesse la détention provisoire du journaliste. Elle aura duré plus de 4 ans et abouti à une condamnation à 17 ans de prison le 12 septembre 2023, malgré l’absence de preuves tangibles. 

Après le dépôt d’un appel par ses avocats le 20 mai dernier, le journaliste demeure en détention et sans nouvelles de la procédure de réexamen à laquelle il a droit. 

“La condamnation d’Abdoulmoumine Gadjiev ne s’appuie sur aucun élément probant. En Russie, et tout particulièrement au Daghestan, le terreau islamiste est particulièrement instrumentalisé pour fabriquer des poursuites pour ‘terrorisme’ visant à faire taire des journalistes et des militants. RSF appelle à libérer Abdoulmoumine Gadjiev, victime d’une détention arbitraire comme 38 autres journalistes aujourd’hui en Russie.

Jeanne Cavelier
Responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF

Mobilisés pour obtenir sa libération, les anciens collègues d’Abdoulmoumine Gadjiev sont également visés : Magomed Magomedov, rédacteur en chef adjoint de Tchernovik, voit régulièrement ses manifestations solitaires (seul avec une pancarte, la seule forme de manifestation autorisée en Russie) interrompues par la police. Il a même été arrêté en janvier 2024, malgré le soutien exprimé par les passants. 

En avril dernier, leur confrère Idriss Youssoupov du journal local socio-politique Novoe Delo, qui a participé lui aussi à des piquets solitaires, a vu son domicile perquisitionné et son matériel confisqué, avant d’être convoqué au commissariat pour interrogatoire par des agents du Centre de lutte contre l'extrémisme. Enfin, la direction de Tchernovik a été obligée d’abandonner son édition papier en novembre 2022, incapable de continuer face aux menaces et aux pressions intenses exercées par les autorités sur les imprimeries afin qu’elles refusent toute commande. 

Précédemment à la tête de la rubrique “religion” de Tchernovik, Abdoulmoumine Gadjiev a été condamné pour “financement” et “participation à une organisation terroriste” avec pour seules pièces à conviction un témoigage extrait sous la torture et une vingtaine d’articles de presse. Le ministère de la Justice a même admis en janvier 2023 qu’aucun transfert d’argent délictueux de la part d’Abdoulmoumine Gadjiev n’avait pu être prouvé. 

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