RSF s'inquiète des assauts répétés du gouvernement de Hun Sen contre la liberté de l’information

Reporters sans frontières (RSF) s’inquiète de la forte augmentation des menaces à l’encontre des acteurs de l’information au Cambodge, ainsi que du climat d’autocensure qui se répand au sein des médias. Face à l’exacerbation de cette tendance consécutive à l’assassinat du commentateur politique Kem Ley, l’organisation appelle le gouvernement à cesser sa politique d’intimidation à l’égard des médias et ses atteintes à la liberté de l’information.


Alors que le Cambodge pleure la mort du commentateur politique et militant anti-corruption Kem Ley,abattu de deux balles le 10 juillet 2016, et qu’une enquête “vigoureuse” a été lancée par les autorités, la liberté de l’information semble plus que jamais en péril et les journalistes cambodgiens continuent de subir menaces et violences en représailles à leur activité. Le meurtre de Kem Ley intervient quelques jours après avoir commenté sur Radio Free Asia la publication d’un rapport sur la mainmise de la famille du Premier ministre Hun Sen sur des entreprises clés du pays par l’organisation britannique Global Witness, le 7 juillet dernier. Le jour de son assassinat, parmi les premières réactions officielles, on trouve un communiqué du ministère de l’Intérieur mettant en garde les communautés nationales et internationales contre toute diffusion d’“informations non confirmées pouvant induire en erreur le public”.


En réalité, dès le 7 juillet, la fille aînée du Premier ministre, Hun Mana, mentionnée dans le rapport, accusait l'ONG et les deux principaux médias en langue anglaise du pays ayant couvert la sortie du rapport, le Phnom Pen Post et le Cambodia Daily, d'“efforts destructeurs” et de collusion afin de diffamer son père en amont des élections. Un fils du Premier ministre, également pointé du doigt par Global Witness, a également accusé le rapport et les articles de presse d'être “bourrés fausses informations” et d'avoir été écrits dans un but diffamatoire. Hun Mana figure également parmi les quatre plus grands propriétaires de médias au Cambodge.


La sensibilité des informations contenues dans le rapport de Global Witness, intitulé Prise de contrôle hostile”, s’illustre également par l’envoi d’une lettre de menaces anonymes aux deux quotidiens anglophones, après qu'ils ont couvert la publication du rapport. Intitulé “Comportement plongeant les Cambodgiens dans le feu de la guerre à cause d’étrangers” , le courrier a été publié sur une plate-forme pro-gouvernementale, Fresh Newsplate-forme pro-gouvernementale, Fresh News, assortie d'une caricature empruntée à la propagande nazie et modifiée pour y faire figurer les noms des médias et de l'ONG britannique.


Le Cambodia Daily et le Phnom Penh Post sont des journaux étrangers qui essayent souvent par tous les moyens venimeux et les manigances de détruire la paix de Samdech Hun Sen (…) Les deux journaux devraient se réformer en adoptant un code éthique et en étant responsable et bénéfique pour le Cambodge dans son ensemble. Sans quoi, le Cambodge n’aura d’autre choix que de prendre des mesures judiciaires et de tous vous expulser hors du Cambodge”, peut-on lire dans la lettre. Interrogé sur ce courrier, un porte parole du Conseil des ministres, M. Siphan, a approuvé à demi-mots la publication de la lettre, ajoutant qu'il convoquerait des médias pour éviter “que la situation n'escalade”, ajoutant en riant au journaliste qui l'interrogeait: “Je ne souhaite pas que le messager soit tué, mon ami.


Les réactions de tous les officiels et des membres de la familles du Premier ministre sont scandaleuses, même si elles ne nous étonnent qu'à moitié, déclare Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie-Pacifique de Reporters sans frontières. Là où nous serions en droit d'attendre une réponse mesurée et argumentée sur le fond, nous constatons que des propos excessifs voir menaçant à l'encontre de la presse, qui n'a fait qu'accomplir son travail dans l'intérêt du public. Nous mettons en garde le gouvernement de Hun Sen contre toutes représailles judiciaires à l'encontre des médias. Museler la presse ne ferait qu'aggraver son cas.


Un fait révélateur de la justesse des informations publiées réside dans le retrait d'informations officielles par le ministère du Commerce sur son propre site web, informations ayant servi à l'élaboration du rapport, si bien qu'il faut désormais se rendre sur un site de Global Witness pour accéder à ces informations, auparavant publiques.


Le Cambodge figure au 128e rang sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2016 établi par Reporters sans frontières.

Publié le
Mise à jour le 24.03.2017