RSF s’inquiète du sort d’un journaliste ouzbek extradé par le Kirghizistan
Un journaliste ouzbek bénéficiaire du programme d’aide d’urgence de Reporters sans frontières (RSF) Allemagne vient d’être extradé dans son pays, où il risque l’emprisonnement. RSF appelle Tachkent à abandonner les charges retenues contre lui et à lui permettre de quitter le pays en toute sécurité.
Alors qu’il bénéficiait du programme d’aide d’urgence de RSF Allemagne, qui était en train d’organiser son transfert à Berlin, le journaliste ouzbek Bobomurod Abdullaev, arrêté le 9 août à Bishkek, au Kirghizistan, à la demande des services secrets ouzbeks, a été extradé par avion militaire par les autorités kirghizes le 22 août, en violation des conventions internationales.
Pendant sa détention à Bishkek, le journaliste a été isolé et coupé de ses avocats sous prétexte de la quarantaine imposée par le coronavirus. Une fois en Ouzbékistan, il a subi six heures d'interrogatoire et a finalement été libéré dans la soirée après avoir signé un document assurant sa “bonne conduite”. Selon son avocat, Sergei Mayorov, Bobomurod Abduallaev n'est pas autorisé à se déplacer en Ouzbékistan ou à quitter le pays sans l'autorisation de l’inspecteur chargé de l’enquête et jusqu’à ce que celle-ci soit terminée, ce qui pourrait prendre jusqu'à trois mois.
Le soir du 22 août, un message vidéo de Bobomurod Abdullayev destiné au Président Shavkat Mirziyoyev est apparu sur la page Facebook du site d’information Kun.uz. Le journaliste y remercie le chef de l'Etat d’avoir donné suite à la demande de libération formulée par sa mère le 11 août. On ignore où cette vidéo a été tournée et si le journaliste a agi de plein gré ou sous la pression des enquêteurs des services spéciaux ouzbeks.
"Si le président ouzbek Shavkat Mirziyoyev désire respecter son engagement en faveur des réformes, toutes les accusations contre Bobomurod Abdullaev doivent être immédiatement abandonnées, déclare le directeur exécutif de RSF Allemagne, Christian Mihr. Les autorités ouzbeks doivent lui permettre de se rendre en Allemagne en toute sécurité.”
Selon ses avocats kirghizes, le journaliste fait l'objet d'une enquête pénale en Ouzbékistan pour "tentative d'atteinte au président de la République d'Ouzbékistan" (article 158 du Code pénal ouzbek) et diffusion de documents qui "visent l'ordre constitutionnel de la République d'Ouzbékistan" (article 159). Ces accusations, pour lesquelles il risque cinq ans de prison, sont basées sur la publication de posts critiques sur le président et le gouvernement ouzbek sous le pseudonyme de Qora Mergan. Le journaliste a pourtant toujours réfuté être derrière cet alias et le titulaire du compte a lui-même nié tout lien avec Bobomurod Abdullaev, et continué de publier sur la messagerie Telegram après la détention de celui-ci.
Bobomurod Abdullaev a été détenu entre septembre 2017 et mai 2018 en Ouzbékistan en raison de ses activités journalistiques. Il avait alors signalé avoir été torturé en prison. Entre novembre 2019 et février 2020, il a passé trois mois à Berlin dans le cadre du programme d'aide d'urgence de RSF Allemagne qui, cet été, a accordé au journaliste une bourse pour bénéficier de cette aide en raison des risques aigus auxquels il est confronté dans son pays.
L’Ouzbékistan et le Kirghizistan occupent respectivement la 156e et le 82e place sur 180 pays au Classement 2020 de la liberté de la presse, établi par RSF.