Reporters sans frontières (RSF) s’inquiète du flou judiciaire autour du directeur de radio Alagie Sisay. Porté disparu depuis le 17 juillet, le journaliste a réapparu lors d’une audience pour “sédition” devant le tribunal de Banjul mardi 4 août. Son procès est prévu pour le 18 août prochain.
Le directeur de la radio privée
Teranga FM est accusé d’intention séditieuse pour avoir distribué à deux femmes le 16 juillet des photos représentant un pistolet pointé vers le président Yahya Jammeh avec son téléphone portable. D’après l’accusation, la supposée diffusion de ces photos aurait eu pour but de susciter le mécontentement et la haine parmi la population gambienne, et serait ainsi passible d’une amende comprise entre 50 000 et 200 000 dalasi. Au cours des audiences du 4 et du 5 août, l’avocate d’Alagie Sisay a demandé sa libération sous caution, comme le permet la loi gambienne pour ce type d’accusation. Mais le procureur de police s’est opposé à cette demande, arguant que l’accusé pourrait s’enfuir ou entraver la bonne marche de l’enquête, et que les faits qui lui étaient reprochés représentaient une grave atteinte à la sécurité nationale.
Cette audience s’est tenue 18 jours
après la disparition d’Alagie Sisay. Le journaliste avait auparavant été détenu au secret 11 jours entre le 2 et le 13 juillet 2015, dans les locaux des services de renseignement gambiens (NIA) à Banjul selon ses proches, avant d’être relâché sans qu’aucune charge ne soit retenue contre lui. Il avait ensuite été à nouveau porté disparu le 17 juillet, quatre jours après sa libération, de nouveaux arrêté par des agents de la NIA, selon des proches. Mais d’après le procureur de police, il n’y a aucune trace officielle de la détention du journaliste pendant cette période : le bureau du procureur aurait pris connaissance de son dossier lundi 3 août seulement.
Son avocate rappelle que la loi gambienne stipule qu’un individu ne peut rester plus de 72 heures en détention sans être relâché ou amené devant un tribunal pour prendre connaissance des charges à son encontre. Dans le cas d’Alagie Sisay, ces conditions ont été violées par deux fois.
«
Reporters sans frontières est très inquiète de la situation judiciaire de M. Sisay, déclare Virginie Dangles, rédactrice en chef de RSF.
Nous sommes extrêmement déçus que la demande de libération sous caution lui ait été refusé. Les autorités judiciaires se doivent de respecter les dispositions prévues par la loi. Les conditions de détention d’Alegie Sisay, détenu à deux reprises dans la plus grande illégalité pendant plusieurs semaines par les services de renseignement gambiens, sont extrêmement préoccupantes. RSF s’inquiète de la tournure prise par cette affaire et redoute d’assister à un procès mascarade qui a pour finalité de s’en prendre au directeur d’un média privé. »
En effet la radio
Teranga FM est dans le collimateur des autorités gambiennes depuis plusieurs années. Elle a déjà dû subir trois fermetures forcées en 2011,
16 mois en 2013, et
en 2015.
La Gambie est gouvernée par le
Prédateur de la liberté de la presse Yahya Jammeh depuis 1994, et occupe la
151e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse publié en février 2015 par RSF.