RSF exige la libération immédiate de la reporter bangladaise Rozina Islam, abusivement inculpée d’espionnage

Cette journaliste d’investigation a été séquestrée par les agents du ministère de la Santé, sur lequel elle enquête depuis plusieurs semaines, avant d’être accusée de violation d’une loi archaïque sur les secrets d’État. Reporters sans frontières (RSF) appelle le gouvernement bangladais à ordonner sa libération immédiate.

Elle risque la peine de mort. La journaliste d’investigation Rozina Islam, rattachée à Prothom Alo, le principal quotidien bengalophone du pays, a été arrêtée lundi 17 mai dans la soirée, avant d’être placée en détention au poste de police de Shahbagh, à Dacca, la capitale. Selon l’acte d’accusation, dont RSF a pu consulter une copie, la reporter est accusée par le ministère de la Santé d’avoir “volé des documents importants” et d’avoir “photographié des données confidentielles”.


Selon les autorités, Rozina Islam a violé les articles 3 et 5 de la loi sur les secrets d’État, un texte issu de la colonisation britannique qui punit de la peine capitale les cas d’espionnage. Elle est également poursuivie pour menaces d’extorsion et recel de documents volés, selon les termes des articles 379 et 411 du code pénal, qui prévoient jusqu’à quatorze ans de réclusion criminelle.


Selon son époux, Monirul Islam Mithu, contacté par RSF, la journaliste s’est rendue lundi, vers 15 heures, dans les locaux du minitère de la Santé pour recueillir le témoignage d’un fonctionnaire. Mais elle s’est rapidement retrouvée enfermée dans une salle par un policier et des employés du ministère, qui ont saisi son sac et son téléphone portable où ils ont eu tout le loisir d’y placer de fausses preuves.


Torture et séquestration


La reporter est restée au moins cinq heures séquestrée dans le bureau d’un certain Saiful Islam Bhuiyan, un officiel rattaché au bureau du secrétaire des services de santé, Lokman Hossain Miah.


“Ils l’ont harcelée physiquement, explique Moniril Islam Mithu. Ils l’ont poussée, ont essayé de l’étrangler. En voulant saisir son sac, ils lui ont littéralement tordu le bras. Sa peau est recouverte de cicatrices et d’hématomes.”


C’est vers vingt heures qu’elle a finalement été transférée au poste de police, pour être officiellement incriminée à 23 h 45. Sa prochaine audience est prévue jeudi 20 mai, pour analyser sa demande de libération sous caution.


“L’arrestation et l’inculpation de Rozina Islam sont d’autant plus choquantes qu’elles résultent manifestement d’une grossière machination, déclare le responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF, Daniel Bastard. Séquestration illégale, torture, intimidation, fabrication de preuves… La gestion de cette affaire par les autorités policières et judiciaires est une honte pour l’État de droit au Bangladesh.


"Nous appelons le ministre de l’Intérieur, Asaduzzaman Khan Kamal, à ordonner sa libération immédiate et inconditionnelle, ainsi que la levée des accusations absurdes qui pèsent contre elle. Il en va de la crédibilité de son gouvernement.”


Selon le rédacteur en chef de Prothom Alo, Sajjad Sharif, Rozina Islam a été harcelée et livrée aux forces de police par le personnel du ministère de la Santé en représailles aux enquêtes qu’elle a récemment publiées sur les graves cas de corruption et de mauvaise gestion au sein de l’administration sanitaire, en lien avec la crise du coronavirus.


Le Bangladesh se situe à la 152e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi en 2021 par RSF.

Publié le
Updated on 19.05.2021