Reporters sans frontières et
Journalists for Democracy in Sri Lanka se félicitent de la fin du règne de la famille Rajapaksa, responsable du climat d’insécurité auquel sont confrontés les journalistes depuis 2004. Les organisations restent cepedant vigilantes quant aux actions du nouveau gouvernement, qui comprend des proches du précédent régime. En 2014, de nombreuses attaques et entraves à l'encontre de la presse ont marqué la période électorale, déjà perturbée par les violences politiques. Le 21 décembre dernier,
Sampath Samarakoon, secrétaire du
Free Media Movement (FMM), l’une des dernières organisations de défense de la liberté de la presse encore en activité dans le pays, et rédacteur en chef du site d’information
Vikalpa, a été agressé par le président du conseil urbain de la ville de Hambantota (Sud) et par un groupe d’individus armés, alors qu’il participait à une manifestation citoyenne pacifique. Selon le FMM, l’officiel aurait agit sous la protection des autorités et du gouvernement. Bien que prévenue des violences, la police n’est pas intervenue.
Quelques semaines auparavant, le 5 décembre, dans la ville d’Eppawala (Nord), un groupe d’individus a agressé
Thisara Saman, journaliste pour
Hiru TV et pour le quotidien
Ada. Le journaliste couvrait un rassemblement organisé par des organisations de la société civile sous le slogan «Contre la violence, pour la vie”.
Le 9 décembre, le rédacteur en chef du journal
Ravaya,
K.W. Janaranjana a été convoqué par le département d’investigation criminelle (CID), après la publication d’un article basé sur des informations obtenues des services de renseignement. La source, anonyme, aurait fait état d’un sondage donnant le président Rajapaksa perdant face à son adversaire Maithripala Sirisena.
Au début du mois, le directeur de l’information de
Derana TV,
Shehan Baranage, a quant à lui été licencié après la plainte du ministre des Sports, Mahindananda Aluthgamage, embarrassé par une question durant l’émission politique à laquelle il participait. Il avait alors quitté l’émission avant de porter plainte contre la chaîne.
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La défaite de Mahinda Rajapaksa ne nous permet pas encore d’espérer une amélioration de l’état de la liberté de la presse dans le pays, déclare Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie-Pacifique de Reporters sans frontières.
La période pré-électorale a, une nouvelle fois, démontré le mépris de l’ancien président envers les médias. L’insécurité des journalistes, les campagnes de dénigrement à l’encontre des médias et la censure des sites d'information tamouls basés à l'étranger n'ont cessé de croître durant les deux mandats du président Rajapaksa. Nous attendons de son successeur des actions concrètes illustrant une coupure radicale avec la politique répressive de l’ancien pouvoir."
Le "clan Rajapaksa", prédateur de la liberté de la presse
Depuis sa réélection en janvier 2010, un an après la fin officielle de la guerre civile contre les Tigres tamouls, le président Rajapaksa a dirigé le pays d’une main de fer,
avec l’aide de son frère, secrétaire d’État à la Défense, Gotabhaya Rajapakse. Le « clan Rajapaksa », qui figure dans la liste des
prédateurs de la liberté de la presse établie par RSF, n'hésitait pas à
menacer les journalistes par téléphone quand ils les jugeaient trop critiques à leur encontre. Sous leur contrôle, les militaires ont intimidé et surveillé la presse tamoule située dans le nord du pays, à l'instar d'Uthayan, dont
la rédaction a été encerclée en mai dernier suite à la publication d'articles sur le massacre de Tamouls en 2009.
Organisée par le Free Media Movement et Purawesi Bayala, une veillée aux chandelles à la mémoire des journalistes assassinés et disparus a eu lieu à Colombo, le 5 janvier 2015. Les proches des journalistes
Dharmeratnam Sivaram "Taraki" et
Lasantha Wickrematunga assassinés en 2005 et 2009 et de
Prageeth Eknaligoda, dessinateur et chroniqueur du
Sunday Leader disparu en 2010, ont commémoré l'anniversaire de ces drames, dans le cadre de la campagne "
Black January".
Reporters sans frontières, qui a exhorté le gouvernement à plusieurs reprises à faire la lumière sur la disparition de Prageeth Eknaligoda, a choisi de mettre en avant le cas de ce dessinateur lors de sa nouvelle
campagne de lutte contre l’impunité, le 2 novembre 2014 intitulée #Fightimpunity.
Le Sri Lanka figure à la 165e place sur 180 pays dans le
Classement mondial de la liberté de la presse 2014 établi par Reporters sans frontières.