RSF demande la libération immédiate d’un journaliste ouzbek
Un journaliste, bénéficiaire d’un programme d’aide d’urgence de Reporters sans frontières (RSF) a été arrêté par les autorités kirghizes sur demande des services secrets ouzbeks. RSF demande sa libération immédiate et le retrait de la demande d’extradition vers l’Ouzbékistan dont il fait l’objet.
Le journaliste ouzbek Bobomurod Abdullaev a été arrêté au Kirghizistan le 9 août dernier à la demande du gouvernement ouzbek, alors que RSF essayait d'organiser son retour en toute sécurité vers l'Allemagne. Boursier du programme d'aide d'urgence de la section allemande de RSF, Bobomurod Abdullaev était attendu à Berlin.
"Bobomurod Abdullaev est en prison pour avoir soit disant publié récemment des articles critiques à l'égard du gouvernement ouzbek sous un pseudonyme - ce qu’il a nié en bloc, explique le président de RSF Allemagne, Michael Rediske. Nous appelons les autorités kirghizes à le libérer immédiatement et à lui permettre de quitter le Kirghizistan en toute sécurité. Il ne doit en aucun cas être extradé vers l'Ouzbékistan, où il risque la prison et la torture."
Bobomurod Abdullaev est un journaliste indépendant qui travaille pour le site d'information Ferghana et un ancien correspondant de Radio Ozodlik (le service ouzbek de Radio Free Europe/Radio Liberty) et de l'Institute for War and Peace Reporting. Il est le fondateur du site d'information Osod Ovo (en français : Voix Libre), bloqué après le massacre d'Andijan en 2005. Pendant quinze ans, et jusqu’à sa condamnation en 2018, il a publié des articles critiquant le régime de l'ancien dictateur Islam Karimov sous le pseudonyme d'Usman Haqnazarov.
Torture et extorsion d'aveux
Bobomurod Abdullaev a été arrêté pour la première fois en Ouzbékistan en septembre 2017. À l'époque, les autorités policières de son pays l'ont accusé d'avoir appelé au renversement du gouvernement et d'avoir porté atteinte à l'ordre constitutionnel de l'Ouzbékistan. Le journaliste a déclaré qu'il avait été torturé en prison et forcé à faire de faux aveux. Après sept mois et demi de détention, un tribunal de Tachkent l'a condamné en mai 2018 à 14 mois de travaux d'intérêt général.
Le journaliste a pu quitter l'Ouzbékistan en novembre 2019 et a passé trois mois à Berlin dans le cadre du programme d'aide d'urgence de RSF Allemagne. Il a ensuite obtenu une bourse de l'Université américaine d'Asie centrale au Kirghizistan, pays voisin de l'Ouzbékistan. Lorsque le programme a pris fin, RSF essayait d'organiser son retour en Allemagne en toute sécurité, lorsqu’il a été soudainement arrêté dans la capitale kirghize, à Bichkek, le 9 août. Le lendemain, un tribunal a ordonné sa détention pendant 30 jours, jusqu'au 8 septembre. Un des avocats de Bobomurod Abdullaev, Timur Karabayev, a confirmé que le journaliste faisait l'objet d'une enquête criminelle en Ouzbékistan et que les autorités ouzbèkes avaient demandé son extradition.
Le journaliste fait à nouveau l'objet d'une attention accrue de la part des services secrets ouzbeks depuis le printemps 2020. Ces derniers le soupçonnent de publier des articles critiquant le président Shavkat Mirziyoyev sur les réseaux sociaux sous le nouveau pseudonyme de “Qora Mergan”. Le 25 juillet, Bobomurod Abdullaev a publiquement rejeté ces accusations sur sa chaîne Youtube, et a déclaré à RSF qu'il n'avait publié aucun article sous pseudonyme depuis sa condamnation en 2018. Qora Mergan lui-même a déclaré le 11 août qu'il n’y avait aucun lien entre lui et le journaliste.
La situation des journalistes en Ouzbékistan s'est améliorée depuis que le président Shavkat Mirziyoyev a pris ses fonctions il y a quatre ans, mais les affirmations de celui-ci concernant son engagement en faveur de la liberté de la presse n'ont souvent pas été confirmées par les faits. Des blogueurs critiques sont régulièrement emprisonnés et le cas de Bobomurod Abdullaev est l’illustration que le régime poursuit désormais aussi les voix critiques à l'étranger.
L’Ouzbékistan et le Kirghizistan occupent respectivement la 156e et le 82e place sur 180 pays au Classement 2020 de la liberté de la presse, établi par RSF.