RSF demande au Premier ministre Shinzo Abe de faire abroger la loi sur les secrets d’État

Reporters sans frontières déplore vivement l’adoption, le 26 novembre 2013, par la Diète, le parlement japonais, du projet de loi sur la “protection des renseignements spéciaux” (special intelligence protection bill), qui constitue une atteinte sans précédent au droit à l’information. L’organisation appelle le Premier ministre Shinzo Abe à faire marche arrière et à obtenir l’abrogation de la loi. “Comment le gouvernement peut-il répondre à la demande croissante de transparence de la population, indignée par ses mensonges sur les conséquences de l’accident nucléaire, en instaurant une nouvelle loi lui donnant toute latitude pour qualifier de ‘secret d’État’ toute information qu’il jugera trop sensible?”, s’interroge l’organisation. “En punissant de lourdes peines de prisons ceux qui obtiendront ‘de manière déraisonnable’ et diffuseront des informations classifiées, le parlement rend de fait illégale la pratique du journalisme d’investigation, et s’oppose aux principes fondamentaux du ’secret des sources’ et de ‘l’intérêt public’. Ce texte doit être abrogé dans les plus brefs délais”, a ajouté Reporters sans frontières. Conformément à la loi, les informations jugées confidentielles pourront être qualifiées de “secrets d’État” tous les 5 ans sans limite dans le temps. Les lanceurs d’alerte, qu’il s’agisse de sources au sein du gouvernement ou de journalistes diffusant une information classifiée, risqueront jusqu’à dix ans de prison, sans pouvoir invoquer “l'intérêt public” pour justifier la révélation de l’information. Les professionnels des médias sont explicitement visés par le texte de loi qui permet au gouvernement de juger les méthodes employées par les journalistes pour obtenir une information classifiée. Le Premier ministre avait justifié le bien-fondé de cette loi au regard de “l’environnement sécuritaire changeant en Asie”, pointant du doigt les querelles maritimes avec la Chine et les velléités nucléaires de la Corée du Nord. Au début du mois de novembre, le Club des correspondants étrangers du Japon avait publié un communiqué de presse dans lequel il demandait à la Diète de rejeter le projet de loi ou de le modifier en substance afin de préserver la liberté de la presse. La loi sur la “protection des renseignements spéciaux” a été adoptée alors que de nombreuses atteintes à la liberté de la presse, notamment à l’encontre des journalistes indépendants, ont été recensées par Reporters sans frontières suite à la catastrophe de Fukushima. Depuis 2011, la couverture médiatique des conséquences de l’accident nucléaire a été largement entravée et les journalistes qui tentent de dénoncer l’opacité du gouvernement sur ce sujet se voient traduits en justice. Le Japon a enregistré en 2013 une chute record de 31 places dans le classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières, et se situe à la 53ème position sur 179.
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Mise à jour le 20.01.2016