RSF dénonce une série d’attaques contre des journalistes par les médias pro- gouvernementaux serbes

En moins d’une semaine, quatre journalistes ont été menacés sur les réseaux sociaux par des médias pro-gouvernementaux en Serbie. Reporters sans frontières (RSF) dénonce ces attaques répétées sur fond de campagne électorale et appelle les autorités à punir leurs auteurs.

La journaliste serbe Tamara Skrozza a été victime pendant plusieurs jours d'une campagne de dénigrement et d’appels à la haine orchestrée par la télévision TV Pink. La chaîne progouvernementale lui reprochait la publication d’une étude démontrant que les dirigeants du Parti progressiste de Serbie (SNS) -au pouvoir- ont été quatre fois plus présents sur l’antenne de Pink TV que leurs opposants entre octobre 2017 et janvier 2018, soit pendant les trois mois qui ont précédé l’ouverture officielle de la campagne pour les élections municipales serbes.


Depuis la diffusion de cette enquête réalisée pour l’ONG CRTA (Centre pour la recherche, la transparence et la responsabilité), la journaliste est dépeinte sur l’antenne de la chaîne privée comme une “ennemie de l’Etat” dont l’objectif est de nuire au président Aleksander Vucic.


Les attaques sont d’une telle violence que l’ONG et l’Association des journalistes indépendants de Serbie (NUNS) ont demandé aux téléspectateurs serbes d’interpeller l’autorité de régulation des médias électroniques (REM) afin que Pink TV cesse de décrire la reporter en ces termes et de discréditer l’ONG. Malgré les 300 plaintes qu'elle a reçues en quelques jours, l’instance de régulation a estimé que l’attitude de TV Pink n’était pas répréhensible et n’a pas jugé bon de prendre des mesures.


Ce n’est pas la première fois que cette journaliste confirmée, qui écrit pour l’hebdomadaire serbe Vreme, est la cible des tabloïds serbes, mais jamais les attaques n’avaient connu une telle intensité.


Démontrer que toute critique donnera lieu à des représailles


L’objectif des médias pro-gouvernementaux est toujours le même : démontrer à quiconque -qu’il soit serbe ou kosovar- que s’en prendre aux autorités donnera lieu à des représailles.


Leur recrudescence s’explique par le contexte électoral et notamment l’imminence des élections municipales prévues le 4 mars prochain. La bataille pour remporter la mairie de Belgrade est cruciale pour le parti au pouvoir SNS, qui est en moins bonne posture dans la capitale que dans le reste du pays et qui, de fait, redouble de violence envers les voix dissidentes.


Reporters sans frontières dénonce fermement cette nouvelle campagne d’intimidation à l’égard des journalistes serbes et appelle les autorités à condamner et punir leurs auteurs. L’autorité de régulation des médias électroniques (REM) doit exercer sa mission, traiter les plaintes qu’elle reçoit et imposer des sanctions aux diffuseurs quand cela est nécessaire comme dans le cas de Pink TV”, déclare Pauline Adès-Mével, responsable de la zone UE-Balkans de RSF.


La charge menée contre Tamarra Skrozza est la quatrième d’une série d’attaques menées contre des journalistes indépendants par des médias proches du pouvoir en moins d’une semaine.


Des attaques en série


Quelques jours plus tôt, c’est une journaliste basée au Kosovo, Una Hajdari qui a dû subir les foudres des partisans du président Vucic sur les réseaux sociaux, accusée de “haïr la Serbie, les Serbes et Vucic”, après avoir publié sur son compte twitter un photomontage humoristique lors de la visite du président au Kosovo .

La même semaine, Dragan Janjic, rédacteur en chef de l'agence indépendante Bêta et vice-président de l’association des journalistes serbes (NUNS) a lui aussi reçu plusieurs centaines de messages d’insultes ou de haine sur les réseaux sociaux après avoir déclenché la colère du président Vucic en suggérant dans un tweet que l’assassinat le 16 janvier dernier du dirigeant serbe du Kosovo Oliver Ivanović était “motivé par des considérations politiques”.


Enfin, Nikola Radisic, un journaliste de la télévision N1 (partenaire de CNN International) a été agressé verbalement dans la rue par deux hommes qui l’ont accusé d'être “un espion américain et un traître” et lui ont suggéré de ne plus jamais remettre les pieds “dans cette rue”.


Le reporter a porté plainte tandis que deux associations de journalistes locales (-Union indépendante des journalistes serbes - NUNS- et l'association des journalistes indépendants de Voïvodine - NDNV) ont interpellé les autorités afin qu’elles identifient les auteurs de l’attaque et assurent la sécurité du journaliste.


NUNS a d’ailleurs elle aussi été la cible d’inconnus qui ont placardé des affiches à l’extérieur de ses ses locaux, accusant l’association d’être une “ennemie de la Serbie”.


Comble de l’ironie, cette série d’attaques est intervenue au moment même où une délégation de la Fédération européenne des journalistes (FEJ) était à Belgrade. Cette visite avait pour objectif d’appeler le président Vucic à cesser de stigmatiser certains médias comme étant “des agents de l’étranger” et à briser la spirale de l'impunité afin de faire cesser cette vague de violences contre des journalistes.


Ceci corrobore des déclarations récentes du rapporteur pour la Serbie au Parlement européen David Mc Allister, pour qui Belgrade doit faire de “nets progrès en matière de respect de la liberté de la presse” pour voir avancer les négociations d'adhésion à l'UE. Le pays est aujourd’hui classé 66e sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2017 de Reporters sans frontières.

Publié le
Updated on 12.02.2018