RSF dénonce le recours à l'incrimination de recel de secret professionnel et demande sa suppression

A la suite de l’audition d’un journaliste de Libération par l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), Reporters sans frontières (RSF) demande l’abrogation du délit de « recel de violation du secret professionnel » et exige des garanties qu’il ne sera pas porté atteinte à la protection du secret des sources.

Le chef adjoint du service Enquêtes du quotidien Libération, Willy Le Devin, a été convoqué le 6 novembre dernier par l'IGPN en audition libre dans le cadre d’une enquête préliminaire pour « recel de violation du secret professionnel » ouverte par le parquet de Paris, après un signalement fait par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.


RSF dénonce depuis longtemps le recours à l’accusation de recel contre des journalistes (recel de violation du secret professionnel, recel de violation du secret de l’instruction). Dans des affaires où sont publiés des documents relevant du secret professionnel, ces infractions font peser un risque judiciaire sur des journalistes qui publient des informations d’intérêt public. Par ailleurs, les enquêtes sur les violations de secret professionnel ou de l’instruction ne sauraient constituer une justification à violer le principe de secret des sources. 


Conformément à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881, l’IGPN peut invoquer un « impératif prépondérant d’intérêt public » pour ouvrir une enquête afin d’identifier la source d’un journaliste. Cette exception beaucoup trop large ne devrait pas être invoquée en l’espèce pour, par exemple, éplucher les fadettes de Willy Le Devin.  RSF a toujours dénoncé le recours à cette notion commodément large et floue d'un « impératif prépondérant d’intérêt public », et son utilisation dans cette affaire serait disproportionnée.


« Le secret des sources est un élément essentiel de la liberté de la presse, et les journalistes ne devraient pas pouvoir faire l’objet d’enquêtes à fin d’identification de leurs sources, déclare le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire. Les accusations de recel contre un journaliste sont également inacceptables car elles font peser un risque juridique illégitime. Nous réitérons notre demande de suppression de cette infraction pour les journalistes. RSF met en garde contre l’engagement de poursuites judiciaires contre Willy Le Devin, qui représenterait une atteinte grave au droit d’informer. » 


L’article de Willy Le Devin a été publié au lendemain de la décapitation de Samuel Paty. Celui-ci citait une note du renseignement territorial des Yvelines, datée du 12 octobre, montrant que les services de renseignement étaient informés de la polémique suscité par l’enseignant du collège du Bois-d'Aulne, à Conflans-Sainte-Honorine.


La France est à la 34e place du Classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par RSF.

Publié le
Updated on 18.11.2020