RSF dénonce la peine disproportionnée infligée à un éditorialiste birman
Accusé de sédition, un journaliste proche de la junte birmane vient d’écoper d’une peine de sept ans de prison, officiellement pour avoir publié des posts hostiles à Aung San Suu Kyi sur Facebook. Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités birmanes à requalifier les accusations qui pèsent contre lui et abroger cette archaïque loi sur la sédition.
Sept ans de prison pour des commentaires publiés sur Facebook… C’est la peine à laquelle l’éditorialiste Ngar Min Swe a été condamné pour sédition, mardi 18 septembre, par un tribunal de Rangoon. En cause, des “posts abusifs donnant aux gens des idées fausses contre la Conseillère d'Etat Aung San Suu Kyi”, pour reprendre les termes du porte-parole de la cour.
Le journaliste, qui écrivait notamment dans le journal pro-junte Global New Light of Myanmar, a été arrêté le 12 juillet dernier. Ce jour-là, il avait notamment critiqué sur Facebook une accolade, intervenue lors d’une visite de Barack Obama il y a quatre ans, entre l’ancien président états-unien et celle qui était encore députée pro-réforme au parlement birman. Un post désobligeant qui s’inscrit dans une longue série de commentaires publié par Ngar Min Swe, connu pour être proche de la junte militaire et hostile à l’ancienne dissidente Aung San Suu Kyi, aujourd’hui au pouvoir.
Cette condamnation intervient deux semaines après la sentence infligée à Kyaw Soe Oo et Wa Lone, les deux journalistes de Reuters condamnés à sept ans de prison pour avoir enquêté sur le massacre de civils rohingyas par des militaires et miliciens birmans. La proximité temporelle des procès et le fait que, dans les deux affaires, les accusés ont été condamnés à la même peine de prison laisse planer des doutes quant au degré d’instrumentalisation de la justice par les forces de sécurité birmanes.
Boucs-émissaires
Après les virulentes critiques dont il fait l’objet depuis l’arrestation des deux reporters de Reuters, l’establishment militaire pourrait vouloir donner des gages à la communauté internationale en faisant condamner, à l’inverse, un symbole de la rhétorique pro-junte et anti-réforme. A l’intérieur de la Birmanie, la médiatisation de cette condamnation permet par la même occasion de réhabiliter “l’icône de la démocratie” Aung San Suu Kyi, dont le silence sur le cas des journalistes de Reuters a récemment suscité un début de contestation au sein d’une partie de la population.
“Si la condamnation des deux reporters de Reuters est absolument intolérable, la peine infligée à l’éditorialiste Ngar Min Swe est largement disproportionnée, résume Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. Si les posts hostiles qu’il a publiés contre le mouvement de réforme porté par Aung San Suu Kyi sont contestables, le jugement dont il écope représente une inquiétante jurisprudence. Les doutes qui pèsent sur l’indépendance de la justice birmane sont trop sérieux. C’est pourquoi nous demandons la requalification immédiate des charges qui pèsent contre lui. Surtout, il est temps pour le gouvernement d’abroger l’archaïque loi sur la sédition utilisée à son endroit.”
Loi instrumentalisée
Tout comme la loi sur les secrets d’Etat, utilisée pour incriminer Wa Lone et Kyaw Soe Oo, la loi sur la sédition est un vestige des législations coloniales imposées dans les territoires contrôlés par l’ancien empire britannique. En Birmanie comme en Inde, en Malaisie ou à Singapour, par exemple, les lois sur la sédition servent de prétexte aux autorités pour museler les journalistes qui dérangent. Elles prévoient des peines allant jusqu’à la prison à perpétuité.
La Birmanie a perdu 6 places dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2018, et se positionne désormais à la 137e position sur 180 pays.