Il y a deux ans, le journaliste Marios Lolos était hospitalisé après avoir
essuyé les coups d’un officier de la police anti-émeutes (MAT), à proximité de la place Syntagma d’Athènes le 5 avril 2012. Depuis, l’enquête administrative a été classée, alors même que des images ont pu montrer un policier, casqué, en train de frapper le journaliste à la tête. Une autre enquête concernant le journaliste Manolis Kypraios a aussi été classée.
Manolis Kypraios est désormais handicapé à vie après avoir été la cible d’une grenade pendant une manifestation à Athènes le 15 juin 2011. Le 5 octobre 2011, la photoreporter Tatiana Bolari a elle été
violemment frappée par un policier du MAT pendant une manifestation. Les photos de la scène ont fait le tour du monde. Après enquête, le policier a été jugé et
condamné à huit mois de prison avec sursis pour coups et blessures. Il n’a cependant pas été condamné pour avoir manqué à son devoir d’exemplarité de fonctionnaire de police.
Les journalistes
Mariniki Alevizopoulou et
Avgoustinos Zenakos du magazine
Unfollow ont interrogé la police sur ces affaires classées sans suite. Dans une réponse officielle, la police a affirmé que “
si l’affaire a été classée, c’est qu’après enquête aucun élément n’est venu prouver que les policiers ne se seraient pas tenus à leur mandat”. La violence policière contre des journalistes est-elle donc normale et justifiée ? D’autre part, les victimes ont appris, en lisant l’article de
Unfollow paru la semaine dernière, que les enquêtes les concernant avaient été classées, sans que le juge n’ait estimé nécessaire de les prévenir. Une pratique indigne qui montre le peu de cas qui est fait de la sécurité physique des journalistes, dans un contexte social où leur travail est indispensable, notamment dans la couverture des manifestations.
Depuis la crise financière de 2008, la liberté de l’information ne cesse de se détériorer en Grèce. Une situation qui se reflète dans le Classement mondial de la liberté de la presse publié chaque année par Reporters sans frontières. En 2008, la Grèce y figurait en 31ème position. Elle se place en 2014 à la 99ème position, soit un recul de 68 places en six ans. Une contre-performance qui en fait le deuxième pays où la presse est la moins libre au sein des pays de l’Union européenne. Les journalistes, qui souffrent déjà d’une forte précarisation du fait du retrait des actionnaires du secteur économique médiatique, sont aussi pris pour cible dans les manifestations. Désignés comme acteurs d’un système dont les Grecs ne veulent plus, ils sont pris en étau entre les manifestants et les policiers qui n’hésitent pas à réprimer extrêmement durement manifestants et journalistes sans distinction. A ces problèmes s’ajoute la violence endémique du parti néo-nazi Aube dorée, qui tente de faire taire les journalistes qui oseraient dénoncer ses dérives.
Violence injustifiée et arrestations arbitraires
Si les violences des manifestants contre les journalistes se font désormais plus rares, les forces de l’ordre persistent elles à s’en prendre à eux. Et le climat d’impunité dont ils jouissent favorisent la persistance de ces violences. Le 17 novembre,
deux journalistes et un photoreporter ont été pris à partie par la police alors qu’ils couvraient un rassemblement célébrant le soulèvement d’étudiants contre la dictature militaire. Pendant les affrontements entre les manifestants et les forces de l’ordre, un policier a frappé la photoreporter
Alexia Tsagari et lui a tiré les cheveux, tandis qu’un de ses collègues,
Antonis Diniakos, était harcelé par des policiers à moto des unités DELTA. Une journaliste de télévision,
Irini Androulaki, a pour sa part reçu un tir de flashball et a été insultée par un policier. La police grecque a lancé une enquête administrative.
Le 6 avril 2014, la police a arrêté
Despina Kontaraki, une journaliste du quotidien Eleftheros Typos, et
l’a détenue pendant plusieurs heures après qu’elle a été accusée de délit de diffamation par Rachil Makri, membre du parti de droite des Grecs indépendants. Elle avait publié un article dans
Eleftheros Typos dans lequel Rachil Makri était accusé de soutenir les membres du parti politique néonazi Aube dorée. La Fédération européenne des journalistes (EFJ) a
dénoncé son arrestation, la considérant comme une tentative d’intimidation à l’encontre des journalistes. “
L’arrestation est complètement inacceptable et sans fondement, a dénoncé le président de l’EFJ Mogens Blicher Bjerregård. (...) Les politiciens grecs abusent de manière flagrante de leur pouvoir et font taire les voix critiques à leur propre avantage”.
Un photoreporter et une journaliste
ont été arrêtés dimanche 7 décembre pendant un rassemblement marquant le sixième anniversaire de la mort de l’adolescent Alexandros Grogoropoulos, tué par un policier.
Irini Lazaridou, journaliste pour le quotidien
Avgi, a été libérée plusieurs heures après son arrestation. Elle a affirmé avoir été emmenée jusqu’au commissariat d’Omonia, après avoir pourtant montré sa carte de presse aux policiers. L’association grecque des photoreporters a aussi dénoncé l’arrestation d’un de ses membres,
Giorgos Nikolaidis, par la police grecque. Deux autres journalistes ont par ailleurs été pris à partie par des manifestants.
La Grèce se positionne à la 99e place sur 180 pays dans le
Classement mondial de la liberté de la presse 2014 établi par Reporters sans frontières.
(photo : des photoreporters grecs manifestent contre les violences policières visant les médias devant le ministère de la protection des citoyens le 6 avril 2012, après qu’un de leurs collègues ait été blessé sévèrement à la tête par la police en couvrant une manifestation contre l’austérité.)