RSF appelle les autorités à permettre aux médias étrangers de couvrir le procès de Bo Xilai
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Le 22 août 2013 s’ouvrira, devant le Tribunal populaire de Jinan (province du Shandong), le procès de l’ancien chef du Parti communiste de la ville-province de Chongqing, Bo Xilai, accusé de corruption, de détournement de fonds et d’abus de pouvoir. Si l'audience prévue est qualifiée d'ouverte, de nombreux éléments laissent craindre qu'elle ne se déroule finalement à huis clos. Aussi, Reporters sans frontières appelle les autorités chinoises à permettre aux médias et aux observateurs étrangers d'accéder sans entraves au tribunal.
“Le fait que le procès ne se déroule pas officiellement à huis clos n'apporte aucune garantie que les médias indépendants et internationaux seront autorisés à le couvrir. Lors de procès sensibles, les autorités ont pour habitude de sélectionner à l'entrée les journalistes qu'elles autorisent à pénétrer dans la salle d'audience. Et dans le cas du procès de Bo Xilai, la 'sélection' a été faite en amont, lorsque le délai limite d'inscription pour assister à l'audience a expiré avant même que la date de cette dernière n'ait été rendue publique. Car si le pouvoir a tout intérêt à maximiser le retentissement médiatique de ce procès, pour acter auprès de la population chinoise de son engagement dans la lutte contre la corruption, le traitement qui y sera apporté fera sans nul doute les frais d'un contrôle extrême. C'est ce que suggère la censure des informations sur Bo Xilai partagées sur Internet, à l'approche du début du procès”, a déclaré Reporters sans frontières.
“Nous appelons les autorités chinoises à permettre à tous les journalistes et observateurs, locaux et étrangers, d'assister au procès de Bo Xilai, sans quoi il ne saurait à nos yeux être qualifié d'ouvert et transparent”, a ajouté l'organisation.
Les médias étrangers dans le viseur des autorités
Un journaliste étranger installé en Chine a indiqué à Reporters sans frontières, sous couvert d'anonymat, que “les journalistes ont été informés que le procès était ouvert, mais qu'ils ne pourraient malheureusement pas y assister. Notamment parce qu'ils ont dépassé la date limite pour s'inscrire, fixée à dimanche dernier, à 16 heures. Or, la dépêche de l'agence Xinhua annonçant la date de la tenue du procès de Bo Xilai a été rendue publique précisément dimanche, à 16 heures. D'autres se sont entendus dire qu'il n'y avait plus de places vacantes. Au final, Xinhua sera présente dans la salle d'audience, et les médias chinois devront utiliser ses dépêches. Peut-être que d'autres médias chinois seront autorisés à y assister, mais ça, nous ne le savons pas encore”. Il a également ajouté qu'il existe un “centre des médias auprès duquel les journalistes doivent s'enregistrer. Toutefois, on ignore s'il peut nous fournir certains services, ou s'il s'agit juste d'un moyen d'enregistrer et de garder une trace des journalistes qui couvrent ce cas. Des rumeurs circulent sur Weibo, selon laquelle une retransmission en direct du procès pourrait avoir lieu dans ce centre des médias. Toutefois, la définition de « direct » est incertaine. Il pourrait ne s'agir que de la retransmission de l'ouverture du procès. Et bien sûr, cette rumeur même de retransmission reste à confirmer”.
L'accès des médias étrangers et indépendants au procès ne garantirait pour autant pas que leurs informations atteindraient la population chinoise. En cause, la loi du 16 avril 2013, décrétée par l'Administration générale de la Presse, de la Publication, de la Radio, du Film et de la Télévision, qui interdit aux médias chinois de publier des informations non-autorisées en provenance de médias ou de sites Internet étrangers.
Censure ciblée à l'approche du procès
Le 20 août 2013, le département central de la Propagande a publié une directive à l'attention de tous les médias du pays : “Les médias doivent absolument suivre la norme des dépêches Xinhua pour couvrir le procès de Bo Xilai. Les chefs de médias doivent consciencieusement renforcer le suivi sur Weibo et sur les blogs” . Un mois plus tôt, le 24 juillet, le Bureau d’information du Conseil des Affaires d’Etat avait publié une directive indiquant que “tous les forums et réseaux sociaux ont l’obligation de supprimer tous les messages favorables à Bo Xilai”. Le 28 mai dernier, le compte Weibo de soutien au dirigeant déchu, “Age of the Soldiers of Bo Xilai”, était supprimé. Ce n’est pas la simple évocation du procès qui est visée ici, mais les critiques lancées par nombre d’internautes, qui considèrent Bo Xilai comme un bouc émissaire.
Dans un contexte où de nombreux internautes soupçonnent d’autres officiels du gouvernement de baigner dans la corruption, le Parti communiste prend toutes les mesures pour endiguer les soupçons : il y a quelques semaines, une directive a été publiée, interdisant les photos de presse montrant les ceintures, montres, lunettes de soleil et cigarettes des leaders politiques, pour ne pas induire de doute sur la provenance de leurs biens matériels.
Les versions électroniques des journaux traditionnels n'échappent pas au contrôle des autorités. Le 3 août dernier, la version numérique chinoise du Wall Street Journal, était rendue inaccessible. Quelques jours plus tôt, le quotidien américain avait publié l’appel de la mère de Neil Heywood, un homme d'affaires britannique longtemps proche de Bo Xilai et de son épouse, et empoisonné par cette dernière. Le 20 août 2012, quasiment un an jour pour jour avant le procès de son époux, Gu Kailai avait été condamnée à la peine de mort avec sursis, ce qui revient à une détention criminelle à perpétuité.
Arrestations préventives
Depuis le début du mois d'août, plusieurs net-citoyens ayant ouvertement soutenu Bo Xilai ont fait les frais de la répression menée par les autorités chinoises. Le célèbre journaliste du Time Weekly Song Yangbiao a été arrêté le 5 août à Pékin, tandis que le net-citoyen Ma Jiming a vu son compte Weibo supprimé à la suite d'un Tweet favorable au dirigeant politique déchu. Wang Zheng, auteur d'une lettre ouverte de soutien à Bo Xilai, aurait selon ses dires été empêché de rencontrer des journalistes du fait de l'étroite surveillance policière à laquelle il serait soumis.
La Chine, qui fait partie des “Ennemis d’Internet”, se place au 173ème rang sur 179 au classement mondial 2013 de la liberté de la presse établi par l’organisation. Lire le Rapport spécial surveillance 2013, “Les Ennemis d’Internet” - Chine
Photo : LIU JIN / AFP
Publié le
Updated on
20.01.2016