RSF appelle le gouvernement de Nauru à laisser les journalistes couvrir le Forum des îles du Pacifique
Le gouvernement de Nauru a décidé d’interdire à la chaîne publique australienne ABC de couvrir le Forum des îles du Pacifique, qui doit s’y tenir début septembre. Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités nauruanes à revenir sur cette décision et à laisser les journalistes travailler en toute liberté.
“Harcèlement” et “manque de respect envers notre président”... Ce sont les accusations portées par le gouvernement de Nauru contre l’Australian Broadcasting Corporation (ABC), pour justifier l’interdiction de la couverture, par le groupe audiovisuel public australien, du Forum des îles du Pacifique (FIP), qui doit se tenir début septembre sur cette petite île de Micronésie.
Rendez-vous annuel qui regroupe 18 nations d’Océanie, dont la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, le FIP est un événement habituellement largement ouvert à la presse. La délégation australienne avait prévu d’y envoyer un pool de trois membres, ABC fournissant la couverture télévisée. Sauf que, selon les autorités de Nauru, le groupe audiovisuel se serait rendu coupable de “parti pris constant dans sa couverture” des événements survenus sur l’île. Résultat, il se voit interdit de pénétrer sur le territoire nauruan.
“Les arguments présentés par les autorités de Nauru sont totalement spécieux, commente Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. Nous les appelons à revenir immédiatement sur leur décision et accorder une accréditation à ABC. L’île est devenue un trou noir de l’information en raison du camp de réfugiés qu’elle abrite pour le compte des autorités australiennes. A ce titre, RSF déplore également le silence hypocrite de Canberra, qui n’a pas levé le petit doigt pour défendre son audiovisuel public.”
Interrogé sur le bannissement de ABC, le Premier ministre australien Malcolm Turnbull s’est contenté de préciser qu’il serait “regrettable” que le média ne puisse pas couvrir le Forum, sans apporter davantage de soutien à la possibilité pour les journalistes de se rendre librement à Nauru. La petite île est souvent décrite comme un “goulag du Pacifique” ou un “Guantanamo australien”, en référence à ce camp de détention pour réfugiés qu’elle sous-traite en échange de millions de dollars australiens, et dont les conditions ont régulièrement été dénoncées par l’ONU.
Les journalistes n’y sont clairement pas les bienvenus. Comme l’a récemment documenté RSF dans un article sur la couverture médiatique des routes de l’exil, le gouvernement de Nauru a imposé des frais de demandes de visa à 8 000 euros non remboursables, même en cas de refus - ce qui est généralement le cas. Pour limiter l’attention médiatique, le gouvernement nauruan a également trouvé une solution radicale : bloquer l’accès à Facebook pendant près de trois ans.
L’Australie se situe à la 19e place du Classement mondial de la liberté de la presse établi en 2018 par RSF.