Reporters sans frontières salue la décision du procureur Carla Del Ponte de retirer ses accusations contre trois journalistes croates. Ils étaient poursuivis pour avoir provoqué le tribunal en publiant un témoignage classé secret. Un autre journaliste risque une peine de prison.
Carla Del Ponte, procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), a annoncé, le 15 juin 2006, l'abandon des poursuites contre trois journalistes croates d'extrême droite. Marijan Krizic, rédacteur en chef, Stjepan Seselj, rédacteur et Domagoj Margetic, ex-journaliste de l'hebdomadaire d'extrême droite Hrvatsko Slovo, avaient été inculpés d'outrage à la cour en 2005, pour avoir révélé l'identité d'un témoin protégé, l'actuel président croate Stipe Mesic. Ils risquaient une peine allant jusqu'à sept ans de prison et 100 000 euros d'amende. Au total, cinq journalistes croates ont été accusés par le TPIY d'avoir sciemment gêné le cours de la justice rendu par le tribunal en divulguant ces informations.
« Nous sommes soulagés de la décision du procureur du TPIY de retirer l'acte d'accusation contre Marijan Krizic, Stjepan Seselj et Domagoj Margetic. Ces poursuites nous paraissaient abusives et la peine encourue disproportionnée par rapport aux faits reprochés. Le témoignage du président Stipe Mesic avait été rendu public par d'autres médias et la sécurité du témoin protégé n'était plus menacée au moment des faits. Le tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie l'a lui-même reconnu en levant le secret sur ce témoignage. Leur condamnation aurait pu créer un précédent dangereux pour tous les professionnels de la presse impliqués dans ce type d'affaires. Nous espérons que le journaliste Josip Jovic, inculpé d'outrage à la cour, ne sera plus poursuivi », a déclaré Reporters sans frontières.
Marijan Krizic, Stjepan Seselj et Domagoj Margetic étaient accusés d'avoir publié, en décembre 2004, le témoignage secret de Stipe Mesic lors de sa comparution en 1997 au procès du général croate de Bosnie, Tihomir Blaskic. Le quotidien bosniaque Bih Dani avait rendu publiques ces informations en 2001 et le site Internet d'information Véritas www.veritas.yu en 1999.
Un autre journaliste croate inculpé dans la même affaire, Josip Jovic, rédacteur en chef du quotidien Slobodna Dalmacija, est jugé séparément par le TPIY depuis le début du mois de juin 2006. Les faits qui lui sont reprochés sont pourtant les mêmes. Il encourt toujours une peine maximale de sept ans de prison et 100 000 euros d'amende.
Un cinquième journaliste, Ivica Marijacic, rédacteur en chef de Hrvatski List, également poursuivi pour outrage, a été condamné, le 10 mars 2006, à payer une amende de 15 000 euros. Le journaliste avait été en contact avec un ancien chef des services de renseignements (SIS) qui lui avait fourni l'identité et des transcriptions d'un autre témoin protégé, un officier de l'armée néerlandaise, également dans le procès Blaskic. Ivica Marijavic est en attente d'un jugement en appel.
Le président croate Stipe Mesic avait déclaré à la presse qu'il était en faveur de la levée du caractère secret de son témoignage pour mettre un terme à cette situation. Le TPIY a effectivement levé ce secret, le 24 janvier 2006.
Reporters sans frontières prépare la publication d'une enquête spéciale sur les poursuites pour outrage engagées par les tribunaux internationaux contre des journalistes. Ce rapport dénonce l'arbitraire de certaines poursuites et montre que l'argument du témoin protégé peut s'avérer fallacieux et peut cacher des motivations politiques.