Reporters sans frontières s'inquiète d'un projet d'amendements à la loi sur les médias

"Ce texte encourage tout bonnement l'autocensure, sous couvert d'inviter les journalistes à être plus responsables”, a déploré Reporters sans frontières.

читать на русском Le 25 avril 2008, la Douma (photo) a approuvé en première lecture un projet d'amendements à la loi sur les médias, proposé par Robert Schlegel, le plus jeune député de la Douma. Celui-ci permettrait, sur simple demande du service fédéral chargé du contrôle des médias et des moyens de communication (Rossviazokhrankultura), de faire fermer un média qui aurait publié, à plusieurs reprises, des informations jugées diffamatoires. “Cette modification de la loi renforcerait les pressions déjà extrêmement lourdes qui existent sur les médias en Russie. Il deviendrait extrêmement facile de qualifier des informations critiques de diffamation et de faire fermer un média. Ce texte encourage tout bonnement l'autocensure, sous couvert d'inviter les journalistes à être plus responsables”, a déploré Reporters sans frontières. Le projet présenté à la Douma apporte des modifications aux articles 4 et 16 de la loi sur les médias. Actuellement, l'article 4 condamne l'utilisation abusive des médias, en particulier pour des actions répréhensibles par la loi, dont la divulgation d'un secret d'Etat et la justification du terrorisme. Les amendements proposent d'ajouter à ces délits la publication d'informations diffamatoires : “Il est interdit d'utiliser les médias dans le but de diffuser des éléments notoirement faux et qui portent atteinte à l'honneur et à la dignité d'une personne ou qui nuisent à sa réputation.” D'après l'article 16, la violation répétée de l'article 4 pourrait conduire à la suspension du média par un juge : après deux avertissements du Rossviazokhrankultura, une cour de justice déciderait de la suspension du média. Le projet de loi a été approuvé par les députés à l'exception de Boris Reznik, vice président du comité de la Douma sur la politique d'information et membre du parti pro-kremlin Russie Unie. Il s'agit pour lui d'un projet de loi “végétatif” et “inutile”. De nombreux journalistes et défenseurs des droits de l'homme ont réagi avec inquiétude à ce projet de loi. Le rédacteur en chef du quotidien Moskovski Komsomolets, Pavel Goussev, considère que “l'adoption des amendements aggraverait la situation de la liberté d'expression en Russie.” Le 29 avril, la chambre civile de la Fédération de Russie, organe consultatif auprès du Président, a indiqué qu'elle transmettrait à la Douma un avis défavorable. “Le mécanisme qui permettrait de fermer une rédaction sans décision de justice excluerait toute critique du pouvoir et permettrait de liquider facilement les journaux et les chaînes de télévision indésirables, en particulier dans les régions” , a déclaré le service de presse de la chambre civile. Alexeï Simonov, président du Fonds pour la défense de la glasnost, a qualifié les amendements d'”attentat” contre la liberté d'expression : “Ce qu'ils ont fait est stupide. J'espère qu'au cours des deux prochaines lectures ils prendront la décision de ne pas adopter définitivement ces amendements.” Robert Schlegel, l'auteur de ce projet d'amendements, est l'ancien attaché de presse des “Nachi”, le mouvement de jeunesse pro-Poutine. Il avait déjà proposé en janvier dernier son projet au Parlement qui ne l'avait pas retenu. Le rapporteur de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) sur la liberté des médias s'est déclaré préoccupé par l'initiative législative adoptée par la Douma. Il recommande une “autoréglementation des médias” qui renforcerait la confiance du public et respecterait la liberté d'expression. Le projet de loi doit encore être approuvé en deuxième et troisième lectures par la Douma, par le Conseil de la Fédération et être signé par le Président avant d'entrer en vigueur.
Publié le
Updated on 20.01.2016