Reporters sans frontières redoute un verdict défavorable
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Reporters sans frontières est vivement préoccupée par le verdict attendu du tribunal de Rancagua (Centre), le 29 avril 2009, dans l’affaire Elena Varela López. A l’initiative d’un projet de documentaire consacré au peuple indigène mapuche, la cinéaste et productrice pourrait être condamnée à quinze ans de prison pour “association de malfaiteurs” et “liens avec un groupe terroriste” (lire le communiqué du 6 juin 2008).
“Le dossier à charge contre Elena Varela comporte de nombreuses zones d’ombre et le verdict, qui devait être rendu le 17 mars dernier, a été repoussé pour une irrégularité de procédure. L’accusation de ‘terrorisme’ a déjà servi contre des documentaristes étrangers qui avaient consacré leur travail au conflit territorial opposant le peuple mapuche aux entreprises forestières. Une condamnation de la cinéaste, dont le projet documentaire bénéficie pourtant d’un financement public, n’aurait aucun sens, sauf à penser que le sujet doit rester tabou”, a déclaré Reporters sans frontières.
Elena Varela a passé plus de trois ans dans l’Araucanie (extrême Sud) à préparer son documentaire “Newen Mapuche” (“la force des gens de la terre”), avant d’être arrêtée, le 7 mai 2008. Détenue préventivement pendant trois mois, la journaliste est soupçonnée d’avoir commandité deux attaques à main armée commises en 2004 et 2005, en lien avec la guérilla colombienne de l’Armée de libération nationale (ELN). Le 27 janvier 2009, le ministère public a requis contre elle une peine de quinze ans de prison.
Dans une lettre, restée sans réponse, adressée à la présidente de la République Michelle Bachelet, Reporters sans frontières a soulevé les aspects douteux de cette procédure. à commencer par la confiscation du matériel utilisé ou enregistré par Elena Varela dans le cadre de son travail documentaire. En quoi la rétention de ce matériel s’imposait-elle dans une enquête portant sur des faits sans aucun rapport avec les activités de cinéaste de la prévenue ? Comment une personne, accusée d’aussi lourdes charges et qu’on pouvait croire recherchée, a pu bénéficier d’une allocation financière de l’État pour réaliser un film ? Enfin, pourquoi Elena Varela, localisée depuis trois ans en Araucanie, a-t-elle été arrêtée si tardivement ?
D’autres éléments se sont ajoutés depuis à la controverse. Les accusations contre trois des cinq personnes arrêtées en mai 2008 en même temps que la cinéaste ont été abandonnées pour insuffisance de preuves. D’autre part, le verdict prévu le 17 mars a été suspendu car l’existence d’un nouveau plaignant, jamais cité, n’avait pas été communiquée à la défense.
Les journalistes et documentaristes qui s’intéressent aux Mapuches s’exposent à des risques de représailles. Le 17 mars 2008, Christophe Harrison et Joffrey Rossi, deux documentaristes français, ont été brièvement détenus à Collipulli, accusés d’avoir provoqué un incendie qu’ils filmaient et d’”appartenir à l’ETA”. Le 3 mai suivant, le scénario s’est répété pour deux cinéastes italiens, Giuseppe Gabriele et Dario Ioseffi, eux aussi qualifiés de “terroristes” avant d’être expulsés.
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20.01.2016