Reporters sans frontières a recensé plus de 130 atteintes à la liberté de la presse depuis le 1er janvier 2003

Le Bangladesh est l'un des rares pays au monde où les journalistes sont confrontés à une violence quotidienne, dont des militants des partis au pouvoir sont le plus souvent à l'origine. Reporters sans frontières dénonce également un harcèlement judiciaire contre les médias privés de la part de proches du Premier ministre Khaleda Zia.

Reporters sans frontières est indignée par le niveau de violence à l'encontre de la presse atteint au cours des derniers mois. Encore aujourd'hui, on apprend qu'un correspondant du quotidien Bhorer Kagoj a été arrêté par la police à Jhalakati. Au même moment, un correspondant du Daily Star à l'Université de Dhaka était agressé à coups de barres de fer par des militants de la branche étudiante du BNP (parti au pouvoir). Quelques jours plus tôt, le correspondant du quotidien Sangbad à Pukurpar avait été enlevé et maltraité pendant quelques heures par des inconnus. L'organisation de défense de la liberté de la presse a recensé 51 agressions de journalistes, dont une dizaine sont des tentatives d'assassinat, 50 menaces de mort, 13 arrestations, 14 poursuites judiciaires abusives et 5 enlèvements depuis le 1e janvier 2003. Dans plus de la moitié des agressions et des menaces, des militants de partis au pouvoir ou des membres des forces de sécurité sont directement impliqués. Le Bangladesh est l'un des rares pays au monde où les journalistes sont confrontés à une violence quotidienne et une hostilité affichée de la part de nombreux responsables politiques. Reporters sans frontières a adressé aujourd'hui une lettre au Premier ministre Khaleda Zia, au ministre de l'Information Tariqul Islam et au ministre de l'Intérieur Altaf Hossain Chowdhury, qui reprend les informations contenues dans ce communiqué. L'organisation a demandé au gouvernement de rappeler à l'ordre ses partisans et les forces de sécurité. Reporters sans frontières réitère son appel au Premier ministre Khaleda Zia et au ministre de l'Intérieur afin qu'ils prennent les mesures nécessaires, dans le respect de la loi, pour mettre fin aux violences à l'encontre des journalistes et de, notamment, punir les coupables de tentatives d'assassinat. L'organisation de défense de la liberté de la presse a demandé au gouvernement de réformer la loi sur la diffamation qui permet, en contradiction avec les recommandations des Nations unies, de condamner un journaliste à une peine de prison. Enfin, Reporters sans frontières a suggéré au Premier ministre de refuser l'adoption d'un projet de loi actuellement en discussion qui permettrait de condamner un journaliste à une lourde peine de prison pour avoir "diffamé" un parlementaire. Reporters sans frontières a maintes fois dénoncé la violence politique qui frappe les journalistes du Bangladesh. Les différents gouvernements ont été incapables d'y répondre concrètement et n'ont surtout rien fait pour empêcher leurs partisans de s'en prendre à la presse. A cette violence récurrente s'ajoute, depuis quelques mois, un harcèlement judiciaire contre les principaux médias privés. Le quotidien Janakantha avait été la première cible du gouvernement d'union entre les conservateurs et les islamistes. En juin dernier, un conseiller influent du Premier ministre a porté plainte en diffamation contre les directeurs de publication du Daily Star et du Prothom Alo qui avaient publié dans leurs colonnes une lettre d'un dirigeant de l'opposition. En juillet, les responsables des rédactions des chaînes de télévision privées par satellite ATN Bangla News et Channel-i avaient été interpellés et interrogés par la police pour des reportages sur la découverte d'un stock d'armes au nord du pays. Malgré les déclarations rassurantes des plus hautes autorités de l'Etat sur le respect de la liberté de la presse au Bangladesh, le constat sur l'incapacité des autorités à assurer la sécurité des journalistes, notamment en province, est accablant. Reporters sans frontières rappelle que la violence quotidienne à laquelle sont confrontés les journalistes au Bangladesh incitent à l'autocensure et ne permet plus à la presse de couvrir sereinement certains sujets tels que la corruption, les activités mafieuses ou les violences politiques et religieuses. L'organisation se félicite des avancées dans la procédure à l'encontre des agresseurs du journaliste Tipu Sultan qui avait échappé, en 2001, à une tentative d'assassinat à Feni (sud-ouest du pays). "Les poursuites engagées contre les criminels et le député Joynal Hazari sont la preuve qu'il est possible de lutter contre l'impunité au Bangladesh. C'est une question de volonté politique", a écrit l'organisation dans sa lettre aux autorités. Reporters sans frontières a regretté que dans les enquêtes sur le meurtre de Shamsur Rahman, en 2000, et la tentative d'assassinat contre Prabir Shikder, en 2001, n'aient pas bénéficié des mêmes avancées.
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Updated on 20.01.2016