A l'occasion du dixième anniversaire l'indépendance de l'Erythrée, Reporters sans frontières demande à Issais Afeworki, président de la République de ce pays, d'intervenir en faveur des journalistes emprisonnés en Erythrée, en signe de son attachement aux droits de l'homme.
A la veille de la célébration du dixième anniversaire de l'indépendance de l'Erythrée, le 24 mai, Reporters sans frontières exhorte les autorités érythréennes à mettre fin immédiatement et sans condition à l'incarcération illégale de dix-huit journalistes, détenus au secret, sans raison officielle ni procès.
" Nous vous rappelons que, selon les Nations unies, l'emprisonnement en tant que condamnation de l'expression pacifique d'une opinion constitue une grave violation des droits de l'homme. À notre connaissance, ces journalistes n'ont fait qu'exercer leur activité professionnelle et leur droit à informer leurs concitoyens ; un droit garanti par plusieurs traités internationaux ratifiés par l'Erythrée. Cette absence de liberté d'expression empêche les citoyens d'exercer pleinement leurs droits et devoirs pourtant acquis, il y a dix ans, après trente années de lutte contre le dictateur éthiopien, Mengistu Hailemariam. À quelques jours de la commémoration de l'indépendance de l'Erythrée, la libération de ces journalistes constituerait un signe fort de votre engagement en faveur des droits de l'homme et de la liberté de la presse ", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières, dans une lettre adressée au président de la République, Issaias Afeworki.
Le 18 septembre 2001, le gouvernement ordonnait la suspension de tous les titres de la presse privée. Dans le même temps, débutait une vague d'arrestations sans précédent des journalistes érythréens. Un an et demi après, dix-huit professionnels de la presse sont toujours derrière les barreaux, détenus dans un lieu gardé secret par les autorités, sans raison officielle ni procès. Les autres journalistes ont fui le pays, trouvant asile en Europe, en Amérique du Nord ou en Afrique.
Reporters sans frontières estime qu'il n'est pas acceptable qu'un Etat puisse, en toute impunité, priver purement et simplement un peuple de son droit à être informé. Aujourd'hui, l'Erythrée est le seul pays du continent africain, et l'un des derniers dans le monde, sans presse privée. Seuls les médias d'Etat, étroitement contrôlés par le régime, ont droit de parole. Les rares correspondants étrangers ne peuvent pas travailler librement ni en toute sécurité.
Au moins dix-huit journalistes sont emprisonnés en Erythrée. Zemenfes Haile, ancien directeur et fondateur de Tsigenay, serait détenu dans un camp dans le désert depuis 1999. Ghebrehiwet Keleta, également de Tsigenay, aurait été arrêté en juillet 2000. Aucune information n'est disponible sur les lieux et les raisons de la détention de ces deux journalistes.
Entre le 18 et le 21 septembre 2001, au moins dix journalistes de la presse privée ont été interpellés par les forces de l'ordre et conduits au poste de police n°1 d'Asmara. Le motif exact de leur arrestation n'a pas été rendu public, mais la plupart d'entre eux avaient donné la parole aux opposants arrêtés. Ces dix journalistes interpellés sont : Yusuf Mohamed Ali, rédacteur en chef de Tsigenay, déjà incarcéré plusieurs semaines en octobre 2000 ; Mattewos Habteab, rédacteur en chef de Meqaleh, déjà arrêté à plusieurs reprises en 2000 et en 2001 ; Dawit Habtemichael, rédacteur en chef adjoint de Meqaleh ; Medhanie Haile et Temesgen Gebreyesus, respectivement rédacteur en chef adjoint et membre du conseil d'administration de Keste Debena ; Emanuel Asrat, rédacteur en chef de Zemen ; Dawit Isaac et Fessehaye Yohannes, du journal Setit ; Said Abdulkader, journaliste du magazine Admas, et un photographe indépendant, Seyoum Tsehaye.
Le 31 mars 2002, les dix journalistes ont entamé une grève de la faim. Dans une lettre diffusée depuis leur prison, ils déclaraient vouloir ainsi protester contre leur détention illégale et réclamaient "leur droit à la justice". Ils demandaient notamment un procès devant un "tribunal juste et indépendant". Le 3 avril, neuf d'entre eux ont été transférés dans un lieu de détention inconnu. Les responsables du poste de police n°1 d'Asmara ont annoncé aux familles que les prisonniers n'étaient plus dans leurs cellules. Ils auraient été conduits par des militaires et des officiels de la présidence dans un nouvel endroit tenu secret. Un dixième journaliste en grève de la faim, Dawit Isaac, a été soigné à l'hôpital Halibet suite aux mauvais traitements qu'il aurait subis pendant sa détention, avant d'être également transféré dans un lieu inconnu. Deux autres journalistes - Selamyinghes Beyene, de Meqaleh, et Binyam Haile, de Haddas Eritrea - auraient également été interpellés à l'automne 2001.
Par ailleurs, en janvier et février 2002, trois journalistes de la presse gouvernementale ont été arrêtés : Hamid Mohamed Said et Saidia, de la télévision publique Eri-TV, et Saleh Al Jezaeeri, de la radio publique Voice of the Broad Masses. Aucune explication n'a été fournie par les autorités.
Enfin, le 6 janvier 2002, Simret Seyoum, directeur de Setit, a été arrêté près de la frontière soudanaise alors qu'il cherchait à s'enfuir. Il serait détenu dans une prison de la région.