Le 3 décembre 2004 marque le troisième anniversaire de l'assassinat du journaliste Brignol Lindor. A cette occasion, Reporters sans frontières dénonce la promesse non tenue par le gouvernement de faire avancer ce dossier, bloqué depuis 18 mois devant la Cour de cassation. L'organisation s'inquiète également qu'une simple question de procédure gêne la progression du dossier Jean Dominique.
Ce 3 décembre 2004 marque le troisième anniversaire de l'assassinat du journaliste Brignol Lindor. Reporters sans frontières exprime sa déception alors que le gouvernement n'a que très partiellement tenu ses engagements pris en juin dernier, lors d'une mission à Port-au-Prince de Reporters sans frontières, sur les cas des journalistes tués Brignol Lindor et Jean Dominique.
"Vous aviez affirmé que la Cour de cassation se prononcerait sur les deux affaires avant la fin du mois de juillet mais, six mois plus tard, cette institution n'a rendu sa décision que sur le dossier Jean Dominique. Et encore, dans cette affaire, aucun juge d'instruction n'a été nommé pour reprendre l'enquête, comme le prévoyait la procédure. Nous nous étonnons qu'une simple question de procédure gêne maintenant la progression du dossier", a expliqué Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières, dans une lettre adressée au Premier ministre Gérard Latortue.
"L'absence de décision (dans le dossier Lindor) contredit la volonté que vous nous aviez exprimée de voir ce dossier avancer rapidement", avait déjà souligné l'organisation dans une lettre adressée, le
3 novembre dernier, au ministre de la Justice. Dans ce courrier, l'organisation demandait aux autorités "de tout mettre en œuvre pour que la Cour de cassation se prononce dans les meilleurs délais".
"Nous regrettons que notre lettre du 3 novembre soit restée sans réponse alors que nous nous êtions félicités du rétablissement du dialogue au plus haut niveau lors de notre déplacement à Port-au-Prince. Nous espérons que le gouvernement y répondra bientôt par des actes", a conclu Reporters sans frontières.
Au terme de son déplacement en Haïti, Reporters sans frontières avait publié un rapport intitulé : "La liberté de la presse retrouvée : un espoir à entretenir". Sur les dossiers Jean Dominique et Brignol Lindor, l'organisation soulignait que "leur résolution sera le signe d'un retour progressif à l'Etat de droit attendu par toute la société mais aussi par les journalistes qui se sentent démunis face aux groupes armés".
18 mois d'attente à la Cour de cassation
Animateur d'une émission sur Radio Echo 2000, une station de Petit-Goâve, Brignol Lindor a été tué à coups de pierres et de machettes le 3 décembre 2001 par des membres de l'organisation Domi Nan Bwa, proche de Fanmi Lavalas. Malgré des aveux faits auprès de Guyler C. Delva, responsable de l'Association des journalistes haïtiens (AJH), au lendemain du crime, les tueurs n'ont pas été inquiétés. En septembre 2002, au terme de l'enquête, dix d'entre eux ont été inculpés mais aucune charge n'a été retenue contre l'adjoint au maire de la ville qui avait appelé au meurtre du journaliste.
Selon Me Jean-Joseph Exumé, l'avocat de la famille Lindor, aucun des tueurs n'est aujourd'hui emprisonné. Depuis le printemps 2003, le dossier se trouve devant la Cour de cassation à l'instigation de la famille qui souhaite ainsi que le statut de partie civile, refusé par la cour d'appel, lui soit reconnu.
Une simple formalité
Jean Dominique, le journaliste et analyste politique le plus connu du pays, a été abattu le 3 avril 2000, dans la cour de Radio Haïti Inter dont il était le directeur. Jean-Claude Louissaint, gardien de la station, est également tombé sous les balles des assassins. Pendant près de quatre ans, presque toutes les institutions de l'Etat ont fait obstacle à l'enquête qui s'orientait vers des proches du président Aristide.
L'enquête s'est conclue le 21 mars 2003. Six exécutants, déjà détenus, sont inculpés. En revanche, aucun commanditaire n'est désigné. Tant la veuve du journaliste que les inculpés ont fait appel des conclusions. Le 4 août 2003, la cour d'appel de Port-au-Prince a demandé une nouvelle instruction et la libération de trois des six inculpés. Les trois autres ont alors présenté un recours devant la Cour de cassation suspendant de fait la réouverture du dossier.
Celle-ci a finalement rejeté ce recours le 1er juillet dernier. Il appartient depuis au commissaire du gouvernement près la Cour de cassation de transmettre le dossier au commissaire du gouvernement près le tribunal de première instance afin que son doyen, Me Jean-Joseph Lebrun, désigne un nouveau juge d'instruction qui reprenne les investigations. Cependant, cinq mois après le rendu de la décision, cette simple formalité administrative n'a pas été remplie.