Reporters sans frontières demande des excuses publiques à la police d’Oakland pour sa gestion de l’affaire Chauncey Bailey
Organisation :
A la veille du quatrième anniversaire de la mort de Chauncey Bailey, le 2 août 2007, seul journaliste américain tué sur le territoire américain en trente ans, et après avoir passé en revue plus de 1000 pages de dépositions faites par les responsables de la police d’Oakland, publiées par la chaîne locale KTVU le 10 juillet 2011, Reporters sans frontières demande à la police des excuses pour l’opacité dont elle a fait preuve tout au long de l’enquête et de reconnaître avoir porté atteinte à la liberté d’information.
CENSURE SÉLECTIVE
En 2009, Howard Jordan, adjoint au chef de la police d’Oakland, a publié une ordonnance de non publication sur l'assassinat de Chauncey Bailey à l’attention du sergent Derwin Longmire, principal détective en charge de l’affaire, et de tout le département de police. Le sergent Longmire n’a donné une interview en exclusivité à KTVU que le 10 juillet 2011.
Selon des informations livrées à la presse au moment des faits, la police enquêtait sur les allégations selon lesquelles le sergent Longmire était proche de la Your Black Muslim Bakery (YBMB), entreprise dont Chauncey Bailey dénonçait les crimes, dirigée par Yusef Bey IV, cerveau de son assassinat. D’après ces informations, le sergent Longmire ne rendait pas compte de ses activités à son supérieur ou ses collègues. Cependant, les documents récemment révélés incluent la déposition du supérieur direct du sergent Longmire qui déclare avoir approuvé et supervisé les activités du sergent, en connaissance du procureur. Dans cette même déposition, le vice chef de la police, Jeff Israel, atteste de la qualité du travail du sergent Longmire.
“Ces documents sont la preuve indubitable que la police a manipulé l’information qu’elle donnait aux médias et désigné le sergent Longmire comme bouc émissaire. La police d’Oakland devrait lui faire des excuses ainsi qu’aux citoyens américains pour avoir menti à la presse”, a déclare Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters sans frontières.
Selon les documents, dès 2002 – soit cinq ans avant le meurtre de sang-froid de Chauncey Bailey dans une rue du centre d’Oakland - le sergent Longmire avait déjà rapporté à la police que l’entreprise s’adonnait à des activités criminelles. Mais aucune action sérieuse n’avait été prise malgré ses avertissements répétés. Citant les ordres qu’il avait reçus de ses supérieurs pour “civiliser la communauté” et garder à l’œil sur les activités de YBMB, le sergent Longmire explique également ses relations avec Bey et ses associés.
Malgré l’ordonnance de non publication, des médias ont tout de même eu accès à des informations confidentielles rapportant que le sergent Longmire avait été licencié pour faute professionnelle.
Quand les services de police ont appris la fuite de ces informations, le chef adjoint Jordan a demandé une enquête interne afin de savoir qui les avaient livrées. D’après les dépositions, le service des affaires internes a examiné les archives téléphoniques, le trafic web et enquêté sur certaines actions menées par des agents de police d’Oakland, pour trouver les responsables. Wayne Tucker, alors chef de la police, a été la seule personne à en être dispensée. D’après les documents, cette enquête n’a donné aucun résultat.
TRAQUER LES JOURNALISTES POUR CACHER LA VÉRITÉ
Alors que le sergent Longmire et le reste de son service ne pouvaient parler de l’enquête et qu’une seconde enquête était menée sur les fuites, Wayne Tucker et Howard Jordan ont pourtant choisi de s’adresser à la presse à plusieurs reprises.
Howard Jordan est apparu dans un reportage pour l’émission 60 minutes portant sur le meurtre de Chauncey Bailey. Tucker a, quant à lui, organisé un rendez-vous avec les journalistes du Chauncey Bailey Project durant lequel il leur a annoncé qu’un raid avait été prévu contre YBMB le 1er août. Décalé ensuite de deux jours, le 3 août, afin de permettre à l’un de ses agents de terminer une randonnée...
Chauncey Bailey a été assassiné le 2 août.
D’après les dépositions, Tucker ne voulait pas que cela apparaisse dans la presse. Avant le rendez-vous, il avait ordonné à ses capitaines d’étouffer cette information.
Voici un extrait de la déposition du capitaine de police Ersie Joyner, qui dirigeait la cellule des homicides au moment des faits:
- Capt. Joyner: ”Chef Tucker était catégorique: il ne devait y avoir qu’une seule date fixée pour le raid et non deux.”
- Avocat: ”A votre connaissance, Chef Tucker savait-il qu’il y avait deux dates, les 1er et 3 août ?
- Capt. Joyner: ”oui”
- Avocat: ”Y avait-il quelqu’un d’autre, lors de ce rendez-vous avec Tucker, Jordan et d’autres, qui pensait que cette cellule savait qu’il y avait deux dates?” - Capt. Joyner : “oui”
- Avocat: “Suite à cette conférence de presse, avez-vous dit a Tucker ce que vous pensiez de sa déclaration?”
- Capt. Joyner: “oui”
Le capitaine Joyner déclare également plus loin dans sa déposition qu’après une conférence de presse en janvier 2009, alors qu’il était évident que le Chauncey Bailey Project détenait des documents prouvant le mensonge de Tucker, il avait appelé les deux médias impliqués pour censurer l’article, leur disant qu’il s’agissait d’une “faveur”. Mais les deux médias ont tout de même publié l’histoire. “La publication de ces articles n’est en rien un indice de la liberté mais plutôt des risques que les journalistes ont pris. D’autres journalistes sont encore menacés à ce jour quand il s’agit de publier des informations sur la corruption dans la région. Rien n’est fait pour leur permettre de travailler dans des conditions moins dangereuses”, a renchéri Jean-François Julliard. Un média de la Baie de San Francisco a publié certains comptes-rendus de ces dépositions en juillet 2011 et a appelé Wayne Tucker pour avoir un commentaire. Ce dernier a utilisé toutes sortes de noms d’oiseau avant de raccrocher. Le chef adjoint Howard Jordan a également refusé de faire part de son opinion, déclarant par l’intermédiaire d’un porte-parole qu’il ne ferait aucun commentaire sur une enquête en cours. L’avocat des services de police, payé par les impôts des Américains, a également envoyé un email leur demandant d’étouffer cette affaire. “Il est intolérable que les responsables de la police ne soient pas sanctionnés pour avoir porté atteinte à la liberté d’information. Nous demandons à la police d’Oakland de prendre ses responsabilités et de garantir désormais aux journalistes le droit d’exercer leur métier normalement”. Pour plus d’information, merci de consulter: - Les dépositions (en anglais) - Chronologie du cas de Chauncey Bailey (en anglais) - Un résumé de la situation de la liberté de la presse aux Etats-Unis
- Avocat: ”A votre connaissance, Chef Tucker savait-il qu’il y avait deux dates, les 1er et 3 août ?
- Capt. Joyner: ”oui”
- Avocat: ”Y avait-il quelqu’un d’autre, lors de ce rendez-vous avec Tucker, Jordan et d’autres, qui pensait que cette cellule savait qu’il y avait deux dates?” - Capt. Joyner : “oui”
- Avocat: “Suite à cette conférence de presse, avez-vous dit a Tucker ce que vous pensiez de sa déclaration?”
- Capt. Joyner: “oui”
Le capitaine Joyner déclare également plus loin dans sa déposition qu’après une conférence de presse en janvier 2009, alors qu’il était évident que le Chauncey Bailey Project détenait des documents prouvant le mensonge de Tucker, il avait appelé les deux médias impliqués pour censurer l’article, leur disant qu’il s’agissait d’une “faveur”. Mais les deux médias ont tout de même publié l’histoire. “La publication de ces articles n’est en rien un indice de la liberté mais plutôt des risques que les journalistes ont pris. D’autres journalistes sont encore menacés à ce jour quand il s’agit de publier des informations sur la corruption dans la région. Rien n’est fait pour leur permettre de travailler dans des conditions moins dangereuses”, a renchéri Jean-François Julliard. Un média de la Baie de San Francisco a publié certains comptes-rendus de ces dépositions en juillet 2011 et a appelé Wayne Tucker pour avoir un commentaire. Ce dernier a utilisé toutes sortes de noms d’oiseau avant de raccrocher. Le chef adjoint Howard Jordan a également refusé de faire part de son opinion, déclarant par l’intermédiaire d’un porte-parole qu’il ne ferait aucun commentaire sur une enquête en cours. L’avocat des services de police, payé par les impôts des Américains, a également envoyé un email leur demandant d’étouffer cette affaire. “Il est intolérable que les responsables de la police ne soient pas sanctionnés pour avoir porté atteinte à la liberté d’information. Nous demandons à la police d’Oakland de prendre ses responsabilités et de garantir désormais aux journalistes le droit d’exercer leur métier normalement”. Pour plus d’information, merci de consulter: - Les dépositions (en anglais) - Chronologie du cas de Chauncey Bailey (en anglais) - Un résumé de la situation de la liberté de la presse aux Etats-Unis
Publié le
Updated on
20.01.2016