Au moins 24 atteintes à la liberté de la presse ont été recensées en 2004 au Yémen. Convocations, condamnations à des peines de prison et agressions de journalistes sont devenues monnaie courante. Reporters sans frontières dénonce les vagues de répression à l'encontre de la presse, qui créent un climat d'intimidation extrêmement malsain pour le travail des journalistes.
Depuis le 1er janvier 2004, Reporters sans frontières a recensé au moins 24 atteintes à la liberté de la presse au Yémen. Les convocations, condamnations à des peines de prison et agressions de journalistes sont devenues monnaie courante.
" Nous dénonçons ces vagues de répression régulières contre la presse, qui créent un climat d'intimidation extrêmement malsain pour le travail des journalistes. Les récentes condamnations viennent en complète contradiction avec les propos tenus par le président yéménite, Ali Abdallah Saleh, qui s'engageait, en juin dernier, à " œuvrer pour mettre un terme aux peines d'emprisonnement pour des délits de presse ".
Cinq journalistes condamnés à des peines de prison avec sursis
Le 26 décembre 2004, cinq journalistes locaux ont été condamnés à des peines de prison avec sursis. Abdelwahed Hawache, rédacteur en chef de l'hebdomadaire Al-Ihiya al-Arabi (" La renaissance arabe "), ainsi que son rédacteur adjoint Abdel Jabbar Saad, ont écopé de six mois de prison avec sursis pour avoir publié un article critique à l'égard de la famille royale saoudienne. Abderrahmane Abdallah, rédacteur en chef de l'hebdomadaire al-Tajamaa (" Le rassemblement "), ainsi que l'un de ses journalistes, Nabil Sabie, ont été condamnés respectivement à six et quatre mois de prison avec sursis après avoir révélé qu'un citoyen libyen avait tenté d'assassiner le prince héritier Abdallah d'Arabie saoudite.
Dans une autre affaire, Hamid Chahra, rédacteur en chef de l'hebdomadaire al-Nass (" Les hommes "), a été condamné à trois mois de prison avec sursis et à une amende de 50 000 riyals (soit près de 183 euros) pour " diffamation " après avoir évoqué la corruption qui règne dans les milieux politiques locaux.
Reporters sans frontières dénonce les sentences prononcées contre les cinq journalistes et condamne fermement le recours à des peines d'emprisonnement pour des délits de presse.
Un journaliste agressé
Le 20 octobre dernier, le rédacteur en chef de l'hebdomadaire Al Zajil, Sadiq Al-Jarrash, a été agressé par des hommes non identifiés. Il se rendait dans les locaux de son journal lorsque son taxi a été percuté par une voiture dont les numéros de plaque d'immatriculation ont été notés. Des inconnus se sont précipités sur lui et sur ses gardes du corps et les ont battus. Le journaliste a reçu un coup de couteau à la main.
Reporters sans frontières demande aux autorités de mener une enquête sérieuse et approfondie afin que les auteurs de cette agression soient identifiés et punis dans les meilleurs délais.
Un journaliste condamné à un an de prison ferme
Abdulkarim Al-Khaiwani a été condamné, le 5 septembre 2004, à un an de prison ferme par une cour de Sanaa, suite à une plainte du ministère yéménite de l'Information. Il avait été reconnu coupable d'avoir soutenu, à travers son journal Al-Shoura ("Le conseil "), la rébellion du leader chiite Badr Eddin al-Hawthi contre le gouvernement et d'avoir diffamé le président Saleh. Al-Shoura a par ailleurs été suspendu pour une durée de six mois.
Reporters sans frontières demande que le journaliste soit immédiatement libéré et que son journal soit autorisé à reparaître.
Une presse mise au pas
Tous les journalistes contactés par Reporters sans frontières ont décrit " une situation de la presse très difficile ". Hammoud Mounasser, chef du bureau de la chaîne Al Arabiya à Sanaa, a affirmé que les télévisions étrangères doivent passer par la télévision nationale pour envoyer leurs sujets à leurs rédactions. Les journalistes étrangers doivent ainsi montrer leur sujet aux responsables de la télévision yéménite afin d'obtenir leur accord pour l'envoyer. M. Mounasser s'est déjà vu refuser un sujet jugé trop sensible.
L'autocensure fonctionne tout aussi bien. Ainsi, les journalistes avertis savent qu'ils ne doivent ni critiquer le chef de l'Etat ou le gouvernement ni évoquer la corruption dans les milieux politiques.
Suite à ces violations, le Parlement yéménite a récemment mis en place une commission chargée d'enquêter sur la fermeture par le gouvernement de certains titres de la presse privée et sur le respect de la loi par le ministère de l'Information. Questionné à ce sujet lors de la dernière séance parlementaire, le 26 décembre 2004, le ministre de l'Information, Hussein Al-Awadhi, a déclaré qu'il n'y avait pas de violation de la liberté de la presse et que toutes les décisions ont été prises en conformité avec la loi.
Bilan 2004
-9 journalistes condamnés à une peine avec sursis
-2 journalistes interpellés
-4 journalistes agressés
-1 journaliste menacé
-7 journalistes convoqués