Reporters sans frontières déplore une dégradation de la liberté de la presse

Reporters sans frontières exprime son inquiétude concernant les attaques répétées contre la liberté de la presse en Pologne. Ces derniers mois, les médias ultraconservateurs ont bénéficié des faveurs de partis proches du pouvoir, provoquant de vives protestations de la profession. Un média privé a été sanctionné par une forte amende pour avoir critiqué une animatrice d'une radio ultra-catholique et un mensuel s'est autocensuré par peur de représailles du gouvernement. « Le climat qui touche la presse est inquiétant. Les médias conservateurs catholiques sont nettement favorisés par leurs liens avec la majorité au pouvoir. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel doit se montrer vigilant face à cette situation dangereuse pour le pluralisme de l'information », a déclaré Reporters sans frontières. Le 2 février 2006, la télévision catholique à tendance ultra-conversatrice Trwam a eu l'exclusivité de la signature d'un accord entre les conservateurs au pouvoir, l'extrême droite et les populistes antilibéraux. Seuls les journalistes du groupe médiatique du père Tadeusz Rydzyk avaient été invités, provoquant un coup de tonnerre au sein de la profession. Le prêtre est directeur de la chaîne de télévision, de la puissante station nationale Radio Maryja, du quotidien Nasz Dziennik et même d'une école de journalisme. Le père Rydzyk et ses médias s'étaient largement engagés lors de la campagne électorale de l'automne dernier en faveur des partis conservateurs et catholiques, dont le parti Droit et Justice (PiS) dirigé par le frère du Président, Jaroslaw Kaczynski. Le 22 mars, le Conseil supérieur de l'audiovisuel polonais (KRRiT) a condamné la chaîne de télévision nationale privée Polsat à 500 000 zlotys d'amende (plus de 125 000 euros) pour « atteinte à la dignité de Magda Buczek et aux sentiments religieux des auditeurs et spectateurs de ses émissions sur Radio Maryja et la chaîne Trwam ». L'invité d'un talk-show sur Polsat avait imité la voix de Magda Buczek, célèbre animatrice de Radio Maryja, expliquant qu'elle était probablement une « vieille fille » et qu'elle appelait les petits enfants à prier sur les ondes de la radio. Le 23 mars, l'éditeur du mensuel Sukces a préféré découper au cutter, une à une, une page des 90 000 exemplaires du numéro d'avril qu'il s'apprêtait à faire distribuer. L'affaire avait commencé au mois de février quand une chroniqueuse, Manuela Gretkowska, avait écrit que les frères Kaczynski n'avaient pas eu de père dans leur enfance. La journaliste avait alors reçu un avertissement du service de presse du président. Manuela Gretkowska avait tenu à s'expliquer dans le numéro d'avril, avouant qu'elle s'était trompée sur l'existence du père des frères Kaczynski mais critiquant ces derniers et les accusant de « mensonges ». L'éditeur a préféré censurer cette page. La rédactrice en chef, Karolina Korwin-Piotrowska, qui avait accepté le texte de la journaliste, est immédiatement partie en congé maladie... Plus récemment, le 2 avril, le dernier survivant du ghetto de Varsovie, Marek Edelman a fustigé la radio ultra-conservatrice Radio Maryja pour ses propos ouvertement antisémites. Selon l'Agence France-Presse, un commentateur de la station, Stanislaw Michalkiewicz, avait déclaré le 27 mars que « les juifs humiliaient la Pologne dans l'arène internationale en lui demandant de l'argent » pour les biens laissés dans le pays. Il avait ajouté que des juifs « viennent par derrière pour obliger (le) gouvernement (polonais) à leur payer un racket sous prétexte de revendications ». Radio Maryja, qui revendique trois millions d'auditeurs, n'a jamais été condamnés par le Conseil supérieur de l'audiovisuel pour ses propos virulents, xénophobes et parfois antisémites. Le 23 mars, la Cour constitutionnelle polonaise a jugé anticonstitutionnelle la procédure de nomination du président du KRRiT, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, nommé directement par le Président. Il a reconnu qu'il dépendait trop du pouvoir exécutif et que la loi sur l'audiovisuel devrait être modifiée. Reporters sans frontières rappelle également que les délits de presse sont toujours passibles de peine de prison en Pologne. Le cas récent du journaliste Andrzej Marek, condamné à trois mois de prison avec sursis pour diffamation en 2002, est venu le rappeler. Après de longues années de bataille judiciaire, il avait été à nouveau emprisonné le 16 janvier 2006. La Cour constitutionnelle avait finalement suspendu l'exécution de sa peine et l'avait relâché deux jours après.
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Updated on 20.01.2016