Cinq ans après la mort de Jean Dominique, le 3 avril 2000, Reporters sans frontières s'indigne des nombreuses négligences qui ont entaché l'enquête et en appelle au Président et au Premier ministre d'Haïti afin que celle-ci soit relancée et que soit mis un terme à l'impunité en Haïti.
Cinq ans après l'assassinat du journaliste Jean Dominique, Reporters sans frontières constate que les autorités haïtiennes n'ont pas tenu leur promesse de reprendre l'enquête. Dans un lettre ouverte, l'organisation s'indigne des nombreuses négligences qui ont entaché la procédure et en appelle à nouveau au Président, Boniface Alexandre, et au Premier ministre, Gérard Latortue, afin que cesse l'impunité intolérable entourant cette affaire.
« Le 3 avril 2000, Jean Dominique, directeur et analyste politique de la radio Haïti Inter, était abattu dans la cour de la station ainsi que le gardien des lieux Jean-Claude Louissaint. Cinq ans après l'assassinat de ce journaliste réputé, qui symbolisait le combat quotidien en faveur de la liberté de la presse, le climat d'impunité persiste. Le gouvernement qui a succédé à celui du président Jean-Bertrand Aristide n'a pas réussi à imposer en Haïti un véritable Etat de droit. Le traitement du dossier Jean Dominique en témoigne à lui seul.
Nous venons d'apprendre que l'un des assassins présumés du journaliste surnommé "Ti Lou", détenu à la prison centrale, s'en est évadé dans le courant du mois de février 2005. Cet épisode relève-t-il de la négligence, ou d'une nouvelle stratégie pour faire échec à la vérité concernant la mort de Jean Dominique ?
Pendant près de quatre ans, pratiquement toutes les institutions de l'Etat ont fait obstacle à l'enquête : mandats d'arrêt non exécutés par la police, mort suspecte de deux témoins après leur arrestation, opposition du Sénat à la levée de l'immunité parlementaire d'un de ses membres, refus du président Aristide de renouveler le mandat du juge d'instruction en charge du dossier, tentative d'assassinat de Michèle Montas, la veuve de Jean Dominique, menaces contre Radio Inter obligeant la station à fermer…
L'enquête conclue le 21 mars 2003 avait abouti à l'inculpation et à l'incarcération de six exécutants, sans pour autant désigner de commanditaires. La veuve de Jean Dominique et les inculpés avaient interjeté appel. Le 4 août suivant, la cour d'appel de Port-au-Prince avait libéré trois des assassins présumés et ordonné une nouvelle enquête.
Après onze mois de blocage, en juin 2004, une délégation de Reporters sans frontières avait obtenu votre promesse, ainsi que celle du ministre de la Justice Bernard Gousse, de relancer la procédure. La Cour de cassation avait semblé entériner cette promesse, le 1er juillet suivant, en rejetant le pourvoi de trois prévenus, aujourd'hui en cavale, et en ordonnant la désignation d'un nouveau juge d'instruction.
Cette attente a été doublement déçue. D'une part, notre organisation a appris avec consternation, le 4 décembre 2004, que 150 des 190 pièces du dossier concernant l'assassinat Jean Dominique avaient disparu après la décision de la Cour de cassation. Ces pièces de procédure se trouvaient pourtant au greffe de la juridiction. Par ailleurs, la désignation du nouveau juge d'instruction, Jean Perez Paul, ne sera intervenue qu'au bout de huit mois.
L'évasion du tueur présumé "Ti Lou" ajoute au sentiment d'amertume et de révolte qu'inspirent les impasses de la justice haïtienne et pas seulement à l'aune de l'affaire Jean Dominique. L'assassinat, le 3 décembre 2001 à Petit-Goâve, de Brignol Lindor, journaliste à Radio Echo 2000, n'a jamais été élucidé et le dossier reste bloqué depuis mars 2003 devant la Cour de cassation. La mort par balles du journaliste espagnol Ricardo Ortega, envoyé spécial d'Antena 3, demeure elle aussi inexpliquée.
C'est pourquoi, nous vous rappelons, une nouvelle fois, Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre, la promesse que vous aviez faite à Reporters sans frontières il y a près d'un an. Pour que soit mis fin à l'impunité. Pour que la justice haïtienne retrouve son crédit. Pour qu'à travers un Etat de droit restauré, la liberté de la presse ait enfin droit de cité en Haïti. », a conclu Reporters sans frontières.