Reparution sous contrôle de Bing Dian alors que de nouvelles sanctions sont tombées contre des journalistes d'investigation

L'hebdomadaire d'investigation Bing Dian a été autorisé à reparaître, mais après que ses deux animateurs aient été remplacés par un journaliste fidèle au Parti communiste chinois (PCC). Deux reporters, l'un à Pékin, l'autre dans le Xinjiang, ont récemment été sanctionnés pour des enquêtes touchant le PCC.

Reporters sans frontières est écoeurée par le cynisme du Département de la publicité (ex-Département de la propagande) qui a autorisé la réouverture du supplément Bing Dian (Point de glaciation) du quotidien Zhongguo Qingnian Bao (Le Quotidien de la jeunesse de Chine) après en avoir écarté le rédacteur en chef et le meilleur journaliste d'investigation. Par ailleurs, deux journalistes, l'un dans le Xinjiang (Nord-Ouest) et l'autre à Pékin, ont récemment été sanctionnés pour avoir enquêté sur des sujets sensibles. « La reparution de Bing Dian est une clémence en trompe l'œil. Cet hebdomadaire d'investigation a été amputé de ses deux principaux animateurs, remplacés par un journaliste fidèle au Parti communiste chinois. Alors que la vague de reprise en main et de censure des médias est contestée par des vétérans du Parti communiste chinois, les sanctions continuent à tomber. Elles confirment la volonté de Hu Jintao de museler la presse pour l'empêcher de dévoiler les failles du régime », a déclaré Reporters sans frontières. Le 16 février 2006, le Quotidien de la jeunesse de Chine a annoncé que son supplément hebdomadaire Bing Dian allait être autorisé à reparaître le 1er mars. En revanche, son rédacteur en chef, Li Datong, et son principal journaliste d'investigation, Lu Yaogang, ont été mutés au Centre de recherche sur le journalisme du quotidien qui est, selon plusieurs sources, un « placard pour retraités qui s'occupent des statistiques et des conditions de travail au sein du journal ». Pour remplacer Li Datong, les autorités ont désigné Chen Xiaochun, connu pour être fidèle à la Ligue de la jeunesse de Chine. Il aura la charge de contrôler la ligne éditoriale de l'hebdomadaire et notamment de publier dans le prochain numéro une attaque contre l'article « La modernisation et les manuels d'histoire » - consacré à l'occupation étrangère de la Chine à la fin du XIXe siècle - qui avait justifié la suspension, le 25 janvier dernier, de Bing Dian. Reporters sans frontières a également pu confirmer que les autorités ont renforcé leur contrôle sur le forum de discussion Jizhe De Jia (www.xici.net/b6775/board.asp), très fréquenté par la communauté journalistique chinoise. Reporters sans frontières a pu confirmer que le message « Votre envoi a été annulé et vos coordonnées ont été enregistrées », est adressé aux internautes quand les filtres mis en place détectent un mot interdit par les autorités. Les internautes sont blacklistés quand ils envoient plusieurs messages contenant des expressions telles que « démocratie » ou « Bing Dian ». Par ailleurs, le 8 février 2006, Chen Jieren, 34 ans, rédacteur en chef de l'édition du mardi du quotidien pékinois Gongli Shibao, a été relégué au poste de simple rédacteur par sa direction. Cette décision intervient suite à une plainte du gouvernement chinois auprès du ministère des Affaires publiques en charge du quotidien, quant à un article mentionnant des erreurs de traduction dans la version anglaise du site officiel du Parti communiste chinois. « Cet article affecte négativement l'image du gouvernement chinois », précise le gouvernement. Chen Jieren avait également publié en janvier dernier une enquête sur des fonctionnaires corrompus ayant détourné de l'argent destiné à rembourser les dégâts d'une inondation dans la province du Shaanxi (Centre). Un portrait du président Hu Jintao avait, par ailleurs, été rédigé par le quotidien, alors que seule l'agence de presse officielle Xinhua y est autorisée. En janvier 2006, Wan Weimin, journaliste en charge des affaires juridiques au Xinjiang Jingji Baoshe (Journal économique du Xinjiang), a été limogé par sa direction pour avoir soumis un article concernant une trentaine de familles travaillant dans des domaines forestiers publics de la région n'ayant pas reçu leur salaire depuis 2002. Le journaliste avait pris leur défense après que le dépôt de leur plainte auprès de la justice avait été rejetée par le chef local du parti. Cette répression dirigée a été vivement mise en cause dans une lettre ouverte, publiée le 14 février 2006, par des vétérans du Parti communiste chinois. « Cette censure sévère sème les graines d'un véritable désastre (...). Comment peut-on oublier les leçons sanglantes que l'histoire chinoise nous a donnée à chaque fois que le pouvoir était gouverné par la violence ? », ont déclaré les 13 signataires, dont l'ancien dirigeant du Département de la propagande, Zhu Houze, un ancien rédacteur du Quotidien du Peuple, Hu Jiwei, ainsi qu'un ancien secrétaire personnel de Mao Zedong, Li Rui. Ils appelaient notamment à la reparution de Bing Dian, diffusé à environ 400 000 exemplaires.
Publié le
Updated on 20.01.2016