RDC : en territoires occupés par le M23, le travail des journalistes déplacés une nouvelle fois censuré

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Les rebelles du M23 ordonnent aux directeurs des radios de suspendre, pendant deux mois, une émission très suivie en République démocratique du Congo (RDC), “Sauti Ya Wahami. Reporters sans frontières (RSF) condamne cette censure arbitraire, grave atteinte au pluralisme de l’information à six mois des prochaines élections présidentielles.

Mise à jour du 10/08/23 : Des miliciens du M23 ont convoqué en ligne ce jeudi 10 août des responsables de médias de la zone du Nord Kivu. Au cours de cette réunion, ils ont autorisé les journalistes à reprendre la production de l'émission "Sauti Ya Wahami" ("La voix des déplacés"), suspendue arbitrairement depuis le 14 juillet.

C’est la deuxième interdiction de diffuser en cinq mois. L’émission quotidienne “Sauti Ya Wahami”, “la voix des déplacés” en swahili, sera absente pendant deux mois de la grille des programmes de plusieurs radios du Nord-Kivu, province de l’est de la République démocratique du Congo (RDC). La décision, prise le 14 juillet 2023 par le chef du département de la communication et des médias du M23, a été envoyée via un message WhatsApp à toutes les directions de radio des zones contrôlées par cette milice armée en guerre contre les Forces armées de la RDC (FARDC). 

Créée en novembre 2022 pour donner la parole aux victimes de ce conflit, l’émission est animée et produite par une cinquantaine de journalistes ; la plupart sont eux-mêmes des déplacés internes qui ont dû quitter Masisi, chef-lieu de la province au sud-est du Nord-Kivu ou d’autres localités du territoire de Rutshuru pour se replier à Goma, la capitale provinciale non occupée par le M23, là où est installée la rédaction centrale. D’autres professionnels de l’information de radios partenaires collectent certaines informations pour “Sauti Ya Wahami” directement depuis les zones occupées. Ils y réalisent des reportages qu’ils envoient à l’équipe de Goma qui traite les sujets reçus. La milice a ordonné la suspension de l’émission en zones occupées quelques semaines après le lancement de cette collaboration entre journalistes en zones occupées et journalistes déplacés. 

L’interdiction de diffuser cette émission très suivie est une atteinte grave au pluralisme de l’information. Les inacceptables pressions que les médias continuent de subir de la part des rebelles du M23 dans cette zone  génèrent de l’autocensure et altèrent la qualité de l’information. Alors que le pays va entrer dans une période électorale importante, les journalistes doivent pouvoir exercer leur métier sans crainte de représailles.

Sadibou Marong
Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF

Les journalistes de “Sauti Ya Wahami” situés en territoires occupés subissent régulièrement des pressions. Des rebelles du M23 se sont plusieurs fois rendus dans les locaux des radios produisant ou diffusant l’émission afin de les menacer et de les intimider. En février, la milice avait déjà convoqué les mêmes directeurs de radios et avait ordonné l’arrêt de la diffusion de l'émission, considérée comme une “incitation à la haine”. Par peur des représailles, les journalistes des différentes radios avaient été contraints d’obéir. 

La diffusion de l’émission avait finalement pu reprendre petit à petit à partir d’avril sur plusieurs antennes. Mais les directeurs des radios qui ont fait ce choix ont de nouveau reçu une convocation du M23 pour le 10 août : "Vous êtes conviés à la réunion d'évaluation dudit Magazine le 10 août 2023. (...) en attendant, le programme reste suspendu. Tout en vous rappelant que Top Congo reste suspendu. L'évaluation est uniquement pour le magazine ‘Sauti ya wahami’.Top Congo, l’une des radios les plus écoutées de la région qui émet depuis Kinshasa est interdite, elle, de toute diffusion et production en zones occupées depuis le mois de février.

Depuis que le M23 a repris les armes contre les FARDC en 2021, les médias situés au Nord-Kivu subissent des pressions incessantes des deux bords. D’un côté, le M23 menace et ordonne la suppression de certains bulletins d’informations. De l’autre, les médias se sentent délaissés par le gouvernement qui demande que les journalistes ne cèdent pas aux pressions du M23, sous peine de représailles.

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