Reporters sans frontières exhorte le gouvernement gambien à relâcher Madi Ceesay et Musa Saidykhan, respectivement directeur de publication et rédacteur en chef du bihebdomadaire privé The Independent, raflés lors d'une descente de police au siège du journal, le 28 mars 2006. Les deux hommes ont passé la nuit en détention et sont toujours détenus au commissariat de Banjul. Aucune charge n'a pour l'instant été retenue contre eux.
Reporters sans frontières exhorte le gouvernement gambien à relâcher Madi Ceesay et Musa Saidykhan, respectivement directeur de publication et rédacteur en chef du bihebdomadaire privé The Independent, raflés lors d'une descente de police au siège du journal, le 28 mars 2006.
Interrogé le 29 mars à la mi-journée par Reporters sans frontières, Demba Ali Jawo, coordinateur de la Gambia Press Union (GPU, principal syndicat de journalistes), a déclaré que les « deux hommes ont passé la nuit et sont toujours détenus à la Major Crimes Unit du commissariat de Banjul ». Si leur présence dans les locaux lui a été confirmée, il n'a pas été autorisé à leur rendre visite. Aucune charge n'a pour l'instant été retenue contre eux.
« Une fois encore, les journalistes gambiens payent au prix fort le mépris que leur voue le président Yahya Jammeh. L'expression d'une opinion critique ou la publication d'informations irritantes sont considérées comme des crimes de lèse-majesté dans son pays. Ainsi, malgré les promesses faites envers la presse privée, son gouvernement montre un visage que nous lui connaissons bien : celui de la répression brutale. Il serait temps que l'Union africaine (UA), l'Union européenne et les Etats-Unis fassent comprendre au président Jammeh que ces méthodes sont inadmissibles », a déclaré Reporters sans frontières.
Les locaux de The Independent ont été investis et fermés de force par des agents du Département d'investigation criminelle (CID, brigade criminelle) et de la Police Intervention Unit, une unité d'élite, au matin du 28 mars 2006. Le personnel présent sur place a été arrêté, puis relâché plus tard dans la journée, à l'exception du nouveau directeur du journal, Madi Ceesay, par ailleurs président de la GPU. La nuit précédente, autour de minuit, le rédacteur en chef du journal, Musa Saidykhan, avait été arrêté à son domicile.
Les journalistes de The Independent pensent que cette opération pourrait faire suite à la publication, dans l'édition du 27 mars, d'un article citant le leader de la coalition National Alliance for Democracy and Development (NADD, opposition), Halifa Sallah, qui se demandait si le président Yahya Jammeh était « plus riche que la Gambie ». Dans ce numéro, Madi Ceesay avait signé un éditorial dans lequel il critiquait les coups d'Etat, celui qui a échoué à renverser le président Jammeh le 21 mars 2006 comme celui qui l'a porté au pouvoir, en 1994.
Le 14 février, la secrétaire d'Etat à la Communication et l'Information, Neneh Macdouall Gaye, avait assuré la presse gambienne qu'à l'approche du sommet de l'UA prévu en juillet 2006 à Banjul, le gouvernement était déterminé à inaugurer une « nouvelle ère » entre les médias privés et les autorités. Elle avait toutefois demandé aux journalistes de « donner une image positive » de la Gambie.
Musa Saidykhan avait déjà été arrêté le 27 octobre 2005 pour avoir publiquement demandé l'intervention, auprès du gouvernement gambien, du président de l'Afrique du Sud, Thabo Mbeki, pour faire avancer l'enquête sur l'assassinat encore impuni du journaliste Deyda Hydara. The Independent, dont les propriétaires craignent pour leur sécurité et vivent en exil, avait été la cible en 2003 et 2004 d'attaques répétées de la NIA. Son rédacteur en chef de l'époque, Abdoulie Sey, avait été arrêté et maintenu au secret plusieurs jours, tandis que l'imprimerie du journal avait été incendiée, selon toute vraisemblance par des membres de la garde présidentielle.
Deyda Hydara a été assassiné par des inconnus au volant de sa voiture dans la soirée du 16 décembre 2004, alors qu'il raccompagnait chez elles deux employées de son journal. Cofondateur et rédacteur en chef du trihebdomadaire The Point, il était par ailleurs correspondant de l'Agence France-Presse (AFP) et de Reporters sans frontières à Banjul. Régulièrement menacé pour ses critiques publiques du gouvernement, il était sous la surveillance de la National Intelligence Agency (NIA, les services de renseignements) le soir de son assassinat, selon les informations recueillies par Reporters sans frontières lors de deux missions d'investigation sur place.