Rétrécissement de la liberté de la presse en Ukraine : l'urgence de la mise en œuvre d'une feuille de route pour le droit à l'information

Depuis plusieurs mois, les pressions contre des médias indépendants en Ukraine se multiplient. Reporters sans frontières (RSF) exhorte les autorités ukrainiennes à mettre en œuvre les recommandations de sa feuille de route, présentée il y a un an, afin de protéger le journalisme indépendant et le droit à l’information dans le pays.

Surveillance, menaces de mobilisation dans l’armée, contrôle accru des autorités… Les pressions et entraves politiques s’accentuent sur les médias ukrainiens. Depuis le début de l’année 2024, au moins cinq journalistes ont été surveillés ou menacés en raison de publications sur la corruption. 

Une affaire d’ingérence politique a, elle, éclaté au grand jour, avec la nomination d’un représentant militaire comme directeur de l’agence de presse nationale Ukrinform le 24 mai et la révélation le 29 mai de censure interne, une liste d’invités à bannir ayant été diffusée aux équipes. Et désormais les citations et interviews des membres des forces armées doivent faire l’objet d’un envoi obligatoire trois jours avant leur publication au centre des communications stratégiques militaires selon un décret militaire, dévoilé par les médias le 12 juin. Outre l’effet dissuasif, un tel délai de vérification limite la couverture de la guerre en temps réel.

“Les pressions, les menaces et les ingérences doivent cesser. Malgré sa résilience admirable après l'invasion russe du 24 février 2022, le paysage médiatique ukrainien reste fragile. La feuille de route pour la liberté de la presse, présentée par RSF aux autorités ukrainiennes début juin, contient des priorités cruciales pour protéger le journalisme indépendant et le droit à l’information dans le pays. Nous les appelons à mettre en œuvre ces recommandations sans délai.

Jeanne Cavelier
Responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF

Les journalistes ukrainiens dénoncent depuis plusieurs mois un rétrécissement de la liberté de la presse dans le pays. Rédactrice en chef du site d’information sur les médias Detector MediaNatalia Ligachova tiré la sonnette d’alarme lors de la conférence sur le rôle des médias dans la démocratie organisée le 6 juin à Kyiv par RSF, son partenaire ukrainien l’Institute of Mass Information (IMI) et la délégation de l’Union européenne en Ukraine : “Nous ne sommes pas des ennemis du gouvernement. [...] Nous sommes aux côtés des autorités, mais nous sommes des partenaires responsables. Et un partenaire responsable dit toujours la vérité”.

Multiplication des affaires

Menacé de mort en ligne après la publication en mai d’une enquête sur un homme d’affaires, le reporter d’investigation Mykhaïlo Tkach du média indépendant Ukraïnska Pravda compte déjà une dizaine d’affaires ouvertes par la justice pour des pressions liées à son travail le visant. Or, les enquêtes ouvertes sur son cas et sur ceux de plusieurs autres journalistes interrogés par RSF restent au point mort. Un autre journaliste d’investigation, Yuriy Nikolov, menacé en janvier par des individus encagoulés d’être envoyé au combat dans l’armée ukrainienne, en raison d’une de ses enquêtes pour le média anticorruption Nashy Hroshy, a annoncé le 30 mai la requalification par la justice de son affaire “d'entrave aux activités journalistiques” en “hooliganisme”

Renforcer le paysage médiatique ukrainien

À l’occasion de la visite d’une délégation de RSF à Kyiv du 4 au 7 juin, l’organisation a remis aux autorités ukrainiennes sa feuille de route déjà présentée en mai 2023, les appelant à la mettre en œuvre de toute urgence afin de garantir un espace médiatique pluriel et indépendant. Elle comprend sept recommandations concrètes et détaillées permettant de : 

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