Réquisitoire attendu le 28 janvier contre le représentant de RSF en Turquie
Ouvert il y a près de deux ans, le procès du représentant de Reporters sans frontières (RSF) en Turquie et de deux autres défenseurs des droits humains a de nouveau été ajourné au 28 janvier prochain. L’organisation réclame un non-lieu et appelle à la mobilisation pour la prochaine audience, au cours de laquelle le procureur devrait rendre son réquisitoire.
Déjà sept reports ! Le représentant de RSF en Turquie, Erol Önderoğlu, et la défenseure des droits humains Şebnem Korur Fincancı n’ont encore une fois comparu que cinq minutes, ce 9 octobre, avant que leur procès ne soit ajourné au 28 janvier 2019. Le tribunal d'Istanbul affirme devoir traiter la déposition envoyée par leur co-accusé en exil Ahmet Nesin, après quoi le procureur présentera son réquisitoire. Les trois activistes risquent jusqu’à quatorze ans de prison pour avoir pris part à une campagne de solidarité avec le quotidien pro-kurde Özgür Gündem, qui leur vaut d’être poursuivis pour “propagande d’une organisation terroriste”, “apologie d’un crime” et “incitation au crime”.
“Cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête de nos collègues est un signal d’intimidation intolérable pour les journalistes et la société civile turcs, dénonce Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF, qui assistait à l’audience. Nous appelons à la mobilisation la plus large pour la prochaine audience, au cours de laquelle le procureur devrait rendre son réquisitoire.”
“Notre seul crime est d’avoir défendu le pluralisme, et nous continuerons à le faire, déclare Erol Önderoğlu. Nous demandons à la justice de reconnaître le rôle légitime de la société civile et de mettre un terme à ces poursuites arbitraires.”
Défenseur de la liberté de la presse de premier plan, Erol Önderoğlu est le représentant de RSF en Turquie depuis 1996. Son procès et celui de ses deux co-accusés s’est ouvert en novembre 2016. Au total, une quarantaine de personnalités ont été ou sont poursuivies pour avoir pris part à la même campagne de solidarité. Au nom du pluralisme, elles s’étaient relayées pour prendre la direction d’Özgür Gündem un jour chacun, à titre symbolique. Persécuté par la justice, ce journal a finalement été fermé manu militari en août 2016. Son successeur, Özgürlükçü Demokrasi, a lui aussi été placé sous tutelle judiciaire en mars 2018. Erol Önderoğlu et ses deux camarades, sont les seuls à avoir été arrêtés une dizaine de jours dans le cadre de cette campagne.
Outre RSF, PEN International et PEN Norvège observaient l’audience au palais de justice de Çağlayan, ainsi que des diplomates français, luxembourgeois, britanniques et norvégiens. Onze autres journalistes, dont Faruk Eren, Ertuğrul Mavioğlu, İhsan Çaralan et Fehim Işık, comparaîtront le 10 octobre à Istanbul pour avoir pris part à la même campagne de solidarité.
La Turquie occupe la 157e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi en 2018 par RSF. Déjà très préoccupante, la situation des médias est devenue critique après la tentative de putsch de juillet 2016 : de nombreux médias ont été fermés sans aucun recours effectif, les procès de masse se succèdent et le pays détient le record mondial du nombre de journalistes professionnels emprisonnés.