Répression de la liberté d'expression à l'Université
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Le professeur de journalisme Jiao Guobiao, connu pour ses critiques envers le Département de la publicité (ex-propagande), a été contraint de quitter l'université de Pékin. Quelques semaines plus tôt, les forums de discussion Internet de plusieurs universités chinoises avaient été interdits aux non-étudiants.
« La vague de répression contre les intellectuels démocrates s'étend désormais aux milieux universitaires. Il est déplorable d'assister à de telles représailles contre un professeur d'université et des forums de discussion», a déclaré Reporters sans frontières. L'organisation demande aux autorités de réintégrer Jiao Guobiao à son poste de professeur et de mettre fin aux restrictions imposées aux forums de discussion.
Dans une lettre ouverte à Zhou Ji, ministre de l'Education, l'intellectuel Liu Xiaobo, prix Reporters sans frontières - Fondation de France 2004, a dénoncé ces mesures « folles et alarmantes ». « Récemment le Premier ministre Wen Jiabao a décrit Internet comme un nouvel espace pour présenter les décisions politiques et exprimer ses opinions. De nombreux internautes ont été touchés par ces déclarations. Mais maintenant même Wen Jiabao ne peut plus accéder au site de l'université pour savoir ce que pensent les jeunes générations car il n'est pas étudiant», a écrit Liu Xiaobo depuis Pékin.
Jiao Guobiao, professeur de journalisme et de communication à l'université de Pékin (Beida) a reçu, dans la semaine du 21 mars, une lettre de l'administration lui annonçant qu'il devait quitter volontairement son poste d'enseignant. Auparavant, l'administration lui avait proposé de travailler au département des Archives.
Cette éviction fait suite à une longue campagne de harcèlement entamée après la publication d'un pamphlet de Jiao Guobiao très critique à l'encontre du Département de la publicité. Il y affirmait notamment que la « censure du Parti communiste chinois (PCC) bloquait le développement civilisé de la société chinoise ».
En septembre 2004, le cours donné par Jiao Guobiao avait été annulé par l'université de journalisme de Pékin, puis son travail de supervision des étudiants doctorants lui avait été retiré.
Début novembre, le Département de la publicité a ordonné aux médias officiels de ne plus publier les articles de six commentateurs politiques réformistes, dont Jiao Guobiao. Malgré ces interdictions, ses travaux avaient largement circulé sur Internet et dans les milieux universitaires.
Fin 2004, les autorités avaient interdit à Jiao Guobiao de travailler à la faculté de journalisme et de communication, et avaient tenté de l'empêcher de sortir du pays. « C'est vraiment un programme de persécution », avait-t-il déclaré à Radio Free Asia.
Les étudiants se mobilisent pour la liberté sur les forums
Le ministère de l'Education a ordonné, le 16 mars 2005, que les forums de discussion en ligne gérés par les universités soient réservés exclusivement aux étudiants de ces établissements. Cette mesure a été appliquée par l'université Tsinghua de Pékin, qui gère le plus important forum universitaire, Shuimu.com, ainsi que par celles de Nanjing, Shangaï, Tianjin, Xian, Hangzhou, Jilin, Wuhan et Guangzhou. Les autorités ont également annoncé que les étudiants devraient désormais s'inscrire sous leur vrai nom pour poster des messages.
Ces espaces de discussion en ligne, modérés par des responsables de l'université, permettaient aux étudiants, ainsi qu'aux internautes extérieurs à la faculté, d'aborder des sujets politiques sensibles qui ne sont pas tolérés sur d'autres forums de discussion commerciaux.
Le 18 mars, des manifestations ont été organisées sur les campus des universités de Tsinghua et de Nanjing (nord-ouest de Shanghai). La première a rassemblé une centaine de participants affichant sur des morceaux de papier des slogans tels que « Bénir et protéger Shuimu », « Paix » ou « Liberté » (voir photos). Ce sont les premières manifestations critiques envers le pouvoir organisées par des étudiants depuis le massacre de la place Tiananmen en 1989.
Ce n'est pas la première fois que les autorités s'attaquent aux forums de discussion universitaires. Yi Ta Hu Tu, un espace de discussion en ligne géré par des étudiants de l'université de Pékin, avait été fermé, en septembre 2004, pour des motifs similaires.
Publié le
Updated on
20.01.2016