Quelques mois après son retour d’exil, un journaliste gambien frappé par la police
Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités d’identifier et de sanctionner les officiers de police qui ont violemment agressé le directeur de radio Pa Modou Bojang alors qu’il couvrait des affrontements meurtriers entre les forces de sécurité et des manifestants dans un village de l’ouest de la Gambie.
Pa Modou Bojang, directeur de la radio Home Digital FM, a été violemment agressé par des agents de la police en marge d’une manifestation qui a fait deux morts lundi 18 juin dans le village de Faraba Banta situé à une cinquantaine de kilomètres au sud de Banjul, la capitale gambienne. Le journaliste était parti couvrir les affrontements opposant les forces de sécurité à des villageois qui protestaient contre contre un site d’extraction de sable qu’ils accusent de polluer les rizières des alentours.
“J’ai montré ma carte de presse professionnelle aux éléments de la police mais ils ont commencé à me frapper, accusant les journalistes de vouloir détruire le pays” raconte-t-il à RSF. Le reporter a ensuite été arrêté. “Ils m’ont demandé d’effacer le contenu de mon portable, ce que j’ai refusé de faire, et ont saisi mon enregistreur audio”. Pa Modou Bojang a finalement été libéré en fin de journée sans que son matériel ne lui soit restitué, puis est apparu la chemise tâchée de sang dans une interview publiée sur les réseaux sociaux.
“Ce type de violences policières à l’égard des journalistes n’a plus sa place dans l’ère nouvelle qui s’est ouverte en Gambie depuis le départ de Yahya Jammeh, l’un des pires prédateurs de la presse en Afrique, dénonce Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Les nouvelles autorités gambiennes doivent non seulement fermement condamner cette agression mais également ouvrir une enquête sur les violences policières dont a été victime ce reporter afin de démontrer clairement leur intention d’en finir avec les violences contre les journalistes et l’impunité systématique dont bénéficiaient leurs agresseurs sous le régime précédent.”
Joint par RSF, le ministre de l’Information et de la Communication, Demba Ali Jawo, a estimé que “la persécution et les violences à l’encontre des journalistes qui font leur travail sont inacceptables et injustifiables”. De son côté, le syndicat des journalistes gambiens (Gambian Press Union - GPU) estime que les autorités doivent clairement “ordonner à la police de ne pas recourir à la violence contre les journalistes”.
Pa Modou Bojang est revenu en Gambie en février 2018 après 9 ans d’exil. Arrêté à deux reprises et torturé dans une prison pendant trois semaines en 2008, il avait fini par fuir le régime de Yahya Jammeh. Pendant les 23 années de règne de terreur de l’ancien chef d'État, la censure, les violences, les arrestations et les détentions arbitraires ont contraint 110 journalistes à l’exil. Selon le GPU, près d’une trentaine d’entre-eux sont revenus dans le pays depuis le départ du dictateur en janvier 2017.
La Gambie (122e) a gagné 21 places, soit la plus grosse progression mondiale, dans le Classement 2018 de la liberté de la presse établi par RSF.