Reporters sans frontières réitère son appel au mollah Dadullah afin qu'il libère Adjmal Nasqhbandi, le guide afghan de Daniele Mastrogiacomo, et restitue le corps de Sayed Agha, son chauffeur. L'organisation dénonce également les menaces proférées par le mollah Dadullah à l'encontre des journalistes étrangers et afghans.
Reporters sans frontières réitère son appel à la libération d'Adjmal Nasqhbandi, le guide afghan de Daniele Mastrogiacomo de La Repubblica, qui vient d'entamer sa quatrième semaine de détention dans le sud de l'Afghanistan. Des appels en sa faveur ont été lancés en Afghanistan et en Italie. L'organisation rend également hommage à Sayed Agha, le chauffeur du reporter italien, dont le corps n'a toujours pas été rendu à la famille.
"Rien ne justifie la détention d'Adjmal Nasqhbandi et le refus de rendre le corps de Sayed Agha. Dans cette affaire dramatique, il est évident que les taliban ont déjà obtenu beaucoup. L'attitude du mollah Dadullah, qui a menacé de kidnapper d'autres journalistes, va à l'encontre de certains engagements de dirigeants taliban vis-à-vis de la presse. Nous condamnons les actes et les propos du mollah Dadullah qui menace gravement les journalistes afghans et les reporters étrangers travaillant dans le sud du pays", a affirmé l'organisation.
Détenu depuis le 5 mars, Adjmal Nasqhbandi, journaliste afghan de 25 ans, est toujours aux mains des hommes du mollah Dadullah. Celui-ci a confirmé au journaliste pakistanais Rahimullah Yousafzai qu'il était toujours détenu, précisant que le "gouvernement Karzaï était seulement intéressé par l'Italien". Des porte-parole des taliban ont exigé du gouvernement afghan de nouvelles libérations en échange de celle d'Adjmal Nasqhbandi.
Selon certains témoignages, le journaliste et le directeur de l'hôpital "Emergency", Rahmatullah Hanefi, pourraient être détenu par les forces de sécurité afghanes. Daniele Mastrogiacomo avait affirmé après sa libération que son traducteur avait été libéré, le 18 mars, en même temps que lui, mais placé dans un véhicule différent. Par ailleurs, un chef taliban a déclaré à un journaliste afghan que s'il voulait des nouvelles d'Adjmal Nasqhbandi, il ferait mieux de les demander au gouvernement de Kaboul. Reporters sans frontières demande au gouvernement afghan de répondre à ces accusations.
Le 23 mars, Daniele Mastrogiacomo et le directeur de La Repubblica ont lancé un appel à la libération d'Adjmal Nasqhbandi dont le portrait va être affiché sur les murs de la mairie de Rome. En Italie, l'organisation de journalistes "Quatrième pouvoir" (www.quartopotere.org) a demandé, le 25 mars, la libération du guide afghan. A Kaboul, l'un de ses frères a lancé un appel à sa libération, affirmant n'avoir reçu aucune information de lui, sauf un message vidéo, daté du 12 mars, dans lequel Adjmal Nasqhbandi affirme aller bien et avoir été arrêté pour être "entré sans autorisation dans une région des taliban".
Par ailleurs, les hommes du mollah Dadullah ont exigé la libération d'un chef taliban, le mollah Janaan, en échange du corps de Sayed Agha, le chauffeur de Daniele Mastrogiacomo, égorgé après avoir été reconnu coupable d'espionnage. Des membres de sa famille qui s'étaient rendus dans le village de Garmseer (province d'Helmand) pour récupérer le corps, ont été interpellés et refoulés par des taliban. Agé de 25 ans, Sayed Agha travaillait régulièrement avec des journalistes étrangers dans la province d'Helmand. Il avait déjà été le "fixeur" et le chauffeur du reporter Tom Coghlan du quotidien britannique Daily Telegraph.
Ce dernier lui a rendu hommage : "Sayed Agha était un jeune homme fin, réactif et poli (...). Il était impossible de réaliser des interviews sans l'accès que ses origines tribales lui permettaient. Mais ce travail comporte un grand risque. Sa volonté de prendre ce risque est quelque chose de difficilement compréhensible. Je peux imaginer qu'il trouvait cela excitant, et à l'opposé de la plupart des habitants du sud de l'Afghanistan, il devait avoir un intérêt ou une attirance naïve pour travailler avec les "infidèles" étrangers. Mais alors qu'un journaliste accepte ce danger tout en ayant la possibilité de se replier en sécurité à Kaboul, pour les hommes comme Sayed, être connu comme quelqu'un qui travaille avec les étrangers est un danger permanent pour leur vie. Sayed savait tout cela, mais il n'a jamais refusé de répondre à mes questions. Quand, par exemple, nous avons suivi pendant une journée une équipe d'éradication du pavot, c'est seulement en fin de journée qu'il m'a dit qu'il redoutait que son véhicule soit maintenant inutilisable dans ce district car suspecté de liens avec le gouvernement. Dans les zones rurales de l'Helmand, peu de visages étrangers échappent aux habitants. Ses forts liens tribaux et ses relations personnelles avec des groupes de taliban offraient une forme de protection. Mais comme il l'admettait lui-même, si les gens puissants nous en voulaient, il ne pouvait plus rien faire. Malheureusement, ce furent les mauvais qui le prirent lui et Daniele Mastrogiacomo et son traducteur, il y a deux semaines. Le mollah Dadullah Akhund est le plus célèbre et le plus redouté des commandants taliban opérant dans le Sud. Il a été comparé à Abu Musad Al-Zarqawi en Irak pour ses opinions extrémistes, sa sauvagerie de psychopathe et son égocentrisme. Pour mieux comprendre la personnalité de Dadullah, il faut se rappeler que le mollah Omar l'avait renvoyé du poste de commandant des taliban à Bamiyan en 1998 en raison de son comportement vis-à-vis des chiites. Il les considérait comme des hérétiques. (...) Dadullah et sa cohorte ont choisi de libérer Mastrogiacomo, ce qui était une excellente nouvelle. Mais malgré les efforts des amis afghans et de la famille de Sayed pour tenter de le faire relâcher, les taliban ont choisi de l'égorger vendredi dernier."
Le 19 mars dans l'après-midi, Daniele Mastrogiacomo a retrouvé la liberté dans la province d'Helmand après avoir été enlevé le 5 mars. La libération du journaliste a été obtenue en échange de celle de cinq taliban, notamment un frère du mollah Dadullah.