Le 3 décembre 2001, Brignol Lindor (photo), de Radio Echo 2000, était assassiné à Petit-Goâve par des partisans du président Jean-Bertrand Aristide, alors au pouvoir. Quatre ans après, ce crime reste impuni. Reporters sans frontières et le groupe d'amitié France-Haïti de l'Assemblée nationale appellent à la relance de l'enquête.
Le 3 décembre 2001, Brignol Lindor, jeune journaliste de Radio Echo 2000, était assassiné à Petit-Goâve (Sud), par une dizaine de membres de l'organisation « Domi nan Bwa », proche de l'ancien président Jean-Bertrand Aristide alors au pouvoir. A l'horreur de ce crime, commis à coups de pierres et de machettes, s'ajoute le sentiment de révolte et d'incompréhension qu'inspirent quatre ans d'impunité et d'impasse judiciaire.
Reporters sans frontières s'associe aujourd'hui au groupe d'amitié France-Haïti de l'Assemblée nationale française, pour réclamer à nouveau justice dans cette affaire qui a profondément traumatisé la société haïtienne. A l'appui d'un rapport de la Commission citoyenne pour l'application de la justice (CCAJ, Haïti), transmis au ministère de la Justice en juillet 2004, nous entendons rappeler les faits suivants.
Le 29 novembre 2001, soit quatre jours avant l'exécution du journaliste, une conférence de presse s'est tenue à Petit-Goâve, à l'initiative de plusieurs personnalités liées au parti Fanmi Lavalas de l'ancien président Jean-Bertrand Aristide, dont le maire de la ville Emmanuel Antoine et son adjoint Bony Dumay. Ce dernier s'était alors lancé dans un violent réquisitoire contre les opposants de la Convergence démocratique et contre Brignol Lindor, considéré comme un allié de ce groupe politique. Une autre réunion a eu lieu le 2 décembre, veille de l'assassinat, entre des représentants de l'équipe municipale et des membres du groupe armé « Domi nan bwa », lié au parti Fanmi Lavalas. Le 3 décembre au matin, Joseph Céus Duverger, l'un des chefs de « Domi nan bwa », a été attaqué par des partisans présumés de la Convergence démocratique. Cet épisode a servi de prétexte à une action de représailles ciblées contre Brignol Lindor. Pour preuve, une dizaine de membres de « Domi nan bwa » qui s'apprêtaient à exécuter à son domicile Love Augustin, un membre de la Convergence démocratique, l'ont finalement relâché pour s'en prendre à Brignol Lindor, arrivé sur les lieux.
Malgré ces éléments, l'ordonnance du juge Fritzner Duclair, rendue le 16 septembre 2002, a exclu de toute poursuite les commanditaires présumés de l'assassinat de Brignol Lindor. Les représentants de la municipalité de Petit-Goâve n'ont jamais été inquiétés. Dix membres du groupe « Domi nan bwa » ayant participé à l'assassinat ont été inculpés, mais selon l'avocat de la famille Lindor, aucun d'entre eux n'a été incarcéré. Un seul des tueurs présumés, Joubert Saint-Just, a été appréhendé et livré à la police par des habitants de Miragoâne mais pour un autre motif... le 30 mars 2005.
Le dossier Brignol Lindor est aujourd'hui en souffrance à la Cour de cassation depuis plus de deux ans. La haute juridiction avait été saisie, le 21 avril 2003, par la famille Lindor, d'une demande de constitution de partie civile que la cour d'appel lui avait refusée. Elle disposait normalement de deux mois pour rendre son arrêt. Cet incroyable retard traduirait-il une volonté d'enterrer l'affaire ? Nous ne pouvons nous résoudre à cette hypothèse.
A l'heure où la population de Petit-Goâve s'apprête à rendre hommage à Brignol Lindor et à inaugurer une place portant son nom, nous appelons les autorités haïtiennes à relancer la procédure au plus vite. Cet engagement, au service de la mémoire et de la vérité, doit aller de pair avec le processus électoral qui investira bientôt un nouveau pouvoir démocratique.
Jean-Louis Bernard, député, vice-président du groupe d'amitié France-Haïti de l'Assemblée nationale
Christian Paul, député, membre du groupe d'amitié France-Haïti de l'Assemblée nationale
Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières