Procès du Phuketwan : l’accusation absente dès le 2ème jour

Les 2e et 3e jours du procès pour diffamation contre les journalistes du Phuketwan Alan Morison et Chutima Sidasathian ont été marqués par l’absence de l’accusation, la Marine royale thaïlandaise. Une fois les témoins de la défense entendus, le procès a donc été clos le 16 juillet en milieu de journée.

Le 16 juillet 2015 a marqué la fin du procès contre les journalistes du Phuketwan Alan Morison et Chutima Sidasathian, accusés par la Marine royale thaïlandaise de diffamation et d’avoir enfreint la loi sur les crimes informatiques (Computer Crimes Act). Tout au long du procès, qui s’est étendu sur trois jours, les journalistes ont été entendus par le juge, entourés de huit avocats. Face à eux, l’accusation s’est illustrée par son absence sans motif officiel dès la deuxième journée d’audience, témoignant de la faiblesse de son dossier d’accusation. "Nous estimons que si l’accusation ne se donne pas la peine de venir interroger les principaux témoins de la défense, il devient évident que la légèreté des arguments du parquet ne peut faire face à une défense organisée, solide et légitime, déclare Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie-Pacifique de Reporters sans frontières. Face à la faiblesse du dossier de l’accusation, un certain nombre de points n’ont par ailleurs même pas été abordés par le juge en charge de l’affaire.” Le responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF assiste en tant qu’observateur à ce procès qui bénéficie d’une forte couverture médiatique nationale et internationale. Le rédacteur en chef australien du Phuketwan et sa collaboratrice thaïlandaise ont obtenu le soutien de Human Rights Watch, de la South East Asia Press Alliance, et du bureau du Haut Commissariat aux droits de l’homme à Bangkok. Une lettre ouverte au général Prayut Chan-o-cha a en outre été diffusée par plusieurs ONG pour demander à ce que la Marine royale thaïlandaise annule les charges retenues à leur encontre. Victimes de ce qu’Alan Morison qualifie de “guet-apens” de la part des autorités thaïlandaises, les deux journalistes du Phuketwan risquent jusqu’à sept ans de prison. A l’issue de la première journée d’audience, le rédacteur en chef australien s’est néanmoins dit “très satisfait” et a loué le travail des avocats de la défense. Le 14 Juillet 2015, les quatre témoins présentés par la Marine royale thaïlandaise ont été interrogés par la défense sur l'article incriminé. Dans cet article mis en ligne en juillet 2013, Phuketwan avait publié un extrait d’une enquête de Reuters dévoilant que certains membres de la marine thaïlandaise tiraient profit du trafic des migrants rohingyas. Lors de cette première audience, les témoins de l’accusation ont admis que mis à part le paragraphe écrit par Reuters, aucune partie de l'article ne posait problème. L’agence de presse britannique, qui a obtenu le prix Pulitzer en 2014 pour son enquête, n’a pas été poursuivie et n’a pas réagi à l’inculpation des deux journalistes. La défense s’est quant à elle illustrée par son professionnalisme et la solidité de son argumentaire. Elle a tout d’abord démontré que l’identité des personnes ayant publié l’article en ligne ne pouvait être confirmée avec certitude par la Marine Royale. Or, selon le Computer Crimes Act, il est nécessaire de prouver que la personne poursuivie pour un article est celle qui a mis en ligne l'article. Les avocats de la défense ont ensuite insisté sur le fait que l’expression "naval forces" utilisée dans l’article en anglais avait été erronément traduite en thaï par "Royal Thai Navy" par le traducteur de la Marine royale. L’article incriminé ne mentionnant pas explicitement la Marine royale thaïlandaise, les charges de diffamation n’avaient pas lieu d’être. Le 15 juillet, les deux journalistes ont ensuite répondu aux questions posées par les avocats de la défense et par le juge, concernant tour à tour leur parcours professionnel, le lancement du site d’information anglophone Phuketwan en 2008 et leur couverture des Rohingyas et des militaires. Alan Morison et Chutima Sidasathian ont tous les deux souligné que leur couverture de la Marine thaïlandaise était loin d’être négative, et que de nombreux articles faisant l’éloge du travail social et environnemental effectué par les militaires dans le sud du pays avaient été publiés sur Phuketwan. Ils ont également rappelé qu’une déclaration de la Marine royale thaïlandaise niant toute implication dans le trafic d’êtres humains avait été publiée en réponse à l’article incriminé. Alan Morison a déclaré à la Cour : “Nous entretenions de bonnes relations avec la Marine royale avant l’affaire (...) et nous continuerons à maintenir de bonnes relations”. Le verdict du procès des journalistes du Phuketwan sera rendu le 1er septembre 2015.
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Updated on 20.01.2016