Procès des assassins de Jaime Garzón : Reporters sans frontières est satisfaite du verdict

Le 10 mars, Carlos Castaño, chef des paramilitaires, a été condamné par contumace à 38 ans de prison par la justice colombienne pour l'assassinat, en août 1999, du journaliste et humoriste Jaime Garzón. Pour Reporters sans frontières, ce verdict est une bonne nouvelle, mais il ne représente pas encore la fin de l'impunité.

Le 10 mars, la justice colombienne a condamné Carlos Castaño, chef des paramilitaires, à 38 ans de prison pour l'assassinat, en août 1999, du journaliste et humoriste Jaime Garzón. Deux hommes soupçonnés d'être les exécutants du meurtre ont été acquittés, faute de preuves. Reporters sans frontières, qui s'est constituée partie civile dans cette affaire, est satisfaite de ce verdict qui reprend les principales conclusions de l'enquête qu'elle avait menée et défendues par son avocat, Me Alirio Uribe, du collectif d'avocats José Alvear Restrepo. "Notre organisation suivra de près la réouverture de l'enquête ordonnée par le juge, jusqu'à ce que toute la lumière soit faite sur la mort de Jaime Garzón. Il est important que tous les responsables, exécutants et commanditaires, soient identifiés et punis. Ce verdict est une bonne nouvelle mais il ne représente pas encore la fin de l'impunité dans cette affaire", a prévenu Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières. "La responsabilité du Departamento Administrativo de Seguridad (DAS, service de renseignements placé sous l'autorité du président de la République) dans l'apport de faux témoins ayant dévié l'enquête des véritables exécutants du crime doit être clairement établie. Si elle est confirmée, des sanctions devront être prises contre les fonctionnaires impliqués", a ajouté l'organisation. Cette dernière a également demandé qu'une protection soit apportée aux personnes mêlées à l'enquête (suspects, avocats, enquêteurs…). Le collectif d'avocats José Alvear Restrepo a fait état de plusieurs personnes tuées au cours des investigations et des persécutions subies par l'une de ses collaboratrices travaillant sur ce dossier, Claudia Julieta Duque. Enfin, Reporters sans frontières s'est prononcée contre toute amnistie en faveur de Carlos Castaño dans le cadre des négociations de paix engagées par le gouvernement avec ce dernier. "En Colombie, où quatre journalistes sont tués en moyenne chaque année, l'impunité est le principal ennemi de la liberté de la presse", a souligné l'organisation. Un verdict exemplaire
Le 10 mars 2004, Carlos Castaño, chef des Autodéfenses unies de Colombie (AUC, paramilitaires d'extrême droite), a été condamné par contumace à 38 ans de prison pour l'assassinat de Jaime Garzón, journaliste et humoriste de la station Radionet et de la chaîne Caracol TV. Le juge Julio Roberto Ballén Silva a également annoncé l'acquittement, pour manque de preuves, de Juan Pablo Ortiz et d'Edilberto Antonio Sierra, tous deux accusés d'être les exécutants du meurtre. Dans son jugement, Julio Roberto Ballén Silva a ordonné l'ouverture d'enquêtes pour "faux témoignages" contre Maria Amparo Arroyave Mantilla, Wilson Javier Llano Caballero, Maribel Jiménez Montoya, des témoins à charge contre Juan Pablo Ortiz et Edilberto Antonio Sierra, dont il est avéré qu'ils ont menti "dans le but de dévier l'enquête et d'obtenir que les véritables exécutants restent impunis". Ces témoins ayant tous été introduits par le DAS, le juge a également ordonné l'ouverture d'une enquête sur l'implication de dix fonctionnaires de cette institution. Parmi ceux-ci, figurent cinq hauts fonctionnaires, dont l'ancien directeur du DAS pour le département d'Antioquia et l'actuel sous-directeur national. Le juge Julio Roberto Ballén Silva a ordonné la réouverture de l'enquête sur l'assassinat de Jaime Garzón afin que les véritables auteurs matériels soient identifiés ainsi que les autres commanditaires potentiels. Rappel des faits
Jaime Garzón, journaliste et humoriste de la station Radionet et de la chaîne de télévision Caracol Televisión, a été abattu le 13 août 1999 à Bogotá par deux hommes à moto. Le 2 janvier 2002, le juge d'instruction en charge du dossier, Eduardo Meza, avait clos l'enquête. Celle-ci avait conclu à un assassinat commandité par Carlos Castaño, le chef des Autodéfenses unies de Colombie (AUC, paramilitaires) et exécuté par Juan Pablo Ortiz Agudelo, alias El Bochas, l'auteur des coups de feu, et Edilberto Antonio Sierra Ayala, alias Toño, le conducteur de la moto. Ces deux derniers avaient été arrêtés respectivement en janvier 2000 et septembre 2001. Un mandat d'arrêt a été délivré contre Carlos Castaño en juin 2000. Le mobile de l'assassinat serait la participation de Jaime Garzón dans des négociations en vue d'obtenir la libération de personnes enlevées par la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Le chef des paramilitaires aurait reproché au journaliste d'avoir fait ainsi le jeu de la guérilla mais également d'avoir touché de l'argent en échange de ses services. Certaines informations publiées par la presse font cependant mention de témoignages écartés par les enquêteurs qui mettaient en cause des militaires. Dans un communiqué publié le 9 décembre 2003, Reporters sans frontières déclarait : "Nous sommes extrêmement préoccupés par la possibilité que cette affaire aboutisse à une injustice alors que plusieurs témoignages retenus par l'accusation contre les deux suspects ne sont pas crédibles." "Nous sommes encore plus inquiets face à l'attitude du DAS et du parquet dans cette affaire qui maintiennent encore une version des faits largement démentie lors des audiences", ajoutait l'organisation, avant de conclure : "Il est indispensable qu'une enquête soit ouverte sur la possible manipulation des investigations par ces deux institutions."
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Updated on 20.01.2016