Prison pour un représentant de radio communautaire et un huitième journaliste tué depuis le début de l'année
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Représentant de Radio Tierra y Libertad à Monterrey (État du Nuevo León), Héctor Camero s’est vu notifier, le 3 novembre 2010, sa condamnation à une peine de deux ans de prison et à une amende de 15 mille pesos (environ 900 euros) pour délit “d’utilisation, développement et exploitation du spectre radioélectrique sans autorisation”. Cette condamnation vient porter un nouveau coup dur aux radios communautaires mexicaines, après le démantèlement de Radio Proletaria dans l’État du Chiapas le 12 octobre dernier.
A tous égards, cette décision est absurde et dangereuse. Pourquoi avoir condamné Héctor Camero pour ce motif alors qu’une licence de diffusion a été légalement accordée à Radio Tierra y Libertad, en 2009 après sept ans d’attente ?
Les poursuites contre Héctor Camero ont commencé en 2008 après une opération de fermeture de la station. La Police fédérale préventive avait mobilisé, le 6 juin 2008, pas moins de 120 fonctionnaires pour forcer les locaux et confisquer le matériel. En cours de procédure, sur ordre du ministère public, Héctor Camero a brusquement basculé du statut de témoin à celui d’accusé. Le juge pénal de l’Etat de Nuevo León s’est appuyé sur l’article 150 de la Loi sur les biens nationaux pour rendre sa sentence contre le journaliste, au mépris de l’article 6 de la Constitution fédérale qui garantit la liberté d’expression, et des règles de la Convention interaméricaine des droits de l’homme relatifs au pluralisme et aux médias minoritaires.
Si la peine devenait exécutoire, Héctor Camero serait le deuxième journaliste emprisonné au Mexique après Jesús Lemus Barajas, directeur du quotidien El Tiempo dans l’État du Michoacán, incarcéré depuis le 15 mai 2008 sur la base d’une procédure douteuse pour “narcotrafic”. Nous attendons toujours de connaître les suites de cette procédure. Nous demandons que le journaliste soit libéré en l’absence de preuves sérieuses contre lui et au vu des nombreuses irrégularités dans l’enquête.
Mécanismes de protection
La condamnation d’Héctor Camero est intervenu le jour même de la signature, sous l’égide du ministre de l’Intérieur, Francisco Blake Mora, d’une convention sur les nouveaux “mécanismes de protection” à l’attention des journalistes. Ce document d’essence gouvernementale, qui engage également la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH), répond aux souhaits du président Felipe Calderón de renforcer la protection des journalistes menacés et de fédéraliser les attaques et crimes commis contre la presse. Cette convention doit faire prochainement l’objet d’une étude d’application au sein d’un Comité d’évaluation des risques associant les administrations concernées et trois représentants de la profession.
Tout en prenant acte de cette volonté politique affichée, Reporters sans frontières émet les remarques suivantes :
-La condamnation pénale d’Héctor Camero, comme le démantèlement de Radio Proletaria et la criminalisation d’autres radios communautaires, entrent en totale contradiction avec l’ambition de garantir une sécurité professionnelle aux journalistes en général. On ne peut à la fois entraver la liberté d’expression et vouloir protéger les professionnels des médias.
-La sécurité des médias ne saurait être garantie sans une véritable lutte contre l’impunité dans les crimes commis contre les journalistes, impliquant parfois certaines autorités fédérales ou locales. Sans réelle réforme des institutions et des moyens investis dans ces enquêtes, comment la vérité judiciaire pourrait-elle advenir ? Depuis 2000, 69 journalistes ont perdu la vie et onze sont portés disparus depuis 2003. Douze professionnels des médias ont été assassinés depuis le début de l’année, dont huit en lien probable ou avéré avec la profession.
Le dernier en date s’appelle Carlos Alberto Guajardo Romero, du quotidien El Expreso de Matamoros, dans l’État de Tamaulipas. Le journaliste, âgé de 37 ans, a trouvé a trouvé la mort alors qu’il couvrait un échange de tirs entre les forces armées, des membres du cartel du Golfe et des membres du gang des “Zetas”.
-Le Comité d’évaluation des risques, comme les futures entités chargées de faire appliquer les nouveaux mécanismes, doivent élargir leur consultation aux différents secteurs du journalisme ainsi qu’aux organisations mexicaines et internationales de défense de la liberté d’expression. Reporters sans frontières souhaite y prendre toute sa part.
-La fédéralisation des attaques et crimes contre la presse est une idée soulevée dès le début du sexennat de Felipe Calderón. Elle ne vaut, encore une fois, que si de réels moyens d’enquêtes et de contrôle de l’action de l’État sont assortis à la lutte contre l’impunité. Le parquet spécial (Fiscalía Especial) mis en place en février 2006 dans cet objectif n’a produit pour l’heure aucun résultat encourageant.
Publié le
Updated on
20.01.2016