Pressions politiques sur l’audiovisuel public

Reporters sans frontières est vivement préoccupée par le licenciement illégal et arbitraire, par le gouvernement, de quatre membres du Conseil de surveillance du groupe audiovisuel public RTV Slovenija. « Cette décision, contraire à la lettre et à l’esprit de la loi, a tout d’une ingérence politique inadmissible dans le fonctionnement de RTV. Si les membres du Conseil de surveillance étaient révocables par le gouvernement, leur indépendance ne serait plus que théorique. Rappelons que le respect des institutions et l’autonomie de l’audiovisuel public sont des conditions indispensables de l’Etat de droit. Le gouvernement doit impérativement revenir sur sa décision, sans quoi il sera tenu responsable d’une dérive extrêmement dangereuse pour la liberté de la presse en Slovénie », a déclaré l’organisation. Le 26 juillet 2012, le gouvernement conservateur de Janez Janša a annoncé le licenciement de Nataša Koprivšek, Marjan Sedmak, Aljoša Štampar et Matjaž Medved. Ces quatre membres du Conseil de surveillance de RTV avaient été nommés le 21 janvier 2010 par le gouvernement du social-démocrate Borut Pahor. Leur mandat devait prendre fin en 2014. Un appel à candidatures a été lancé pour les remplacer. Le gouvernement nomme quatre des onze membres du Conseil de surveillance, dont le mandat est renouvelé tous les quatre ans, mais aucune disposition légale ne l’autorise à les démettre. La mission des membres de la plus haute instance de contrôle de l’audiovisuel public ne peut prendre fin prématurément qu’en cas de démission ou d’incapacité à remplir les conditions légales de la fonction (décès, maladie, emprisonnement, etc.). La décision du gouvernement fait suite aux recommandations de la commission parlementaire pour l’Education, la science, la culture, le sport et la jeunesse, dominée par la coalition au pouvoir. En avril 2012, cette dernière avait « rejeté » le rapport annuel du Conseil de surveillance de RTV et demandé le remplacement avant terme des quatre membres nommés par le gouvernement précédent. Ce faisant, la commission parlementaire avait déjà outrepassé ses fonctions : la loi ne lui permet pas de statuer ou de voter sur ce rapport, mais seulement d’en prendre connaissance. La commission parlementaire et le gouvernement justifient cette mesure en affirmant que le Conseil de surveillance aurait manqué d’autorité et de transparence. Son président, Lenart Šetinc, a rejeté dans un communiqué ces accusations comme « fabriquées et invérifiées », et a dénoncé un geste « illégitime et illégal » motivé par des considérations « purement politiques ». « Ce n’est pas un bon signe pour l’Etat de droit, lorsque le gouvernement viole la législation. L’un des piliers de l’indépendance de RTV est l’article de loi qui précise que ses salariés et les membres des instances de surveillance ne peuvent être arbitrairement renvoyés par le gouvernement », a-t-il ajouté. Les inquiétudes quant à un contrôle croissant du pouvoir sur l’espace médiatique sont renforcées par la création d’une nouvelle chaîne de télévision, annoncée pour l’automne par la compagnie de télécommunications Telekom Slovenije. Cette dernière, détenue à 72% par l’Etat, est l’un des principaux acteurs économiques du pays et se trouve en situation de quasi-monopole dans le domaine des télécommunications et de l’accès à Internet. Une partie de la profession craint que la nouvelle chaîne, TSMedia, ne constitue un nouveau pôle audiovisuel inféodé au gouvernement, à côté d’une RTV de plus en plus étroitement contrôlée. Selon la loi slovène, une compagnie de télécommunications ne peut posséder une chaîne de télévision. Pourtant, alors qu’elle attend toujours le feu vert de l’Agence pour les communications postales et électroniques (APEK), la future chaîne a déjà acheté les droits de rediffusion des trois prochaines saisons de la Ligue des champions.
Publié le
Updated on 20.01.2016