Présidentielle au Ghana : les recommandations de RSF pour garantir le respect de la liberté de la presse
Alors que les citoyens ghanéens viennent d’élire leur nouveau président John Dramani Mahama, Reporters sans frontières (RSF) lui adresse cinq recommandations afin d’améliorer la situation de la liberté de la presse dans le pays.
Journalistes intimidés, manque d’indépendance dans les médias, accès difficile à l’information… Malgré l’environnement médiatique dynamique du Ghana et sa 50e place dans le Classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF en 2024, la situation des journalistes et des médias est loin d’être parfaite.
Alors que le pays vient d’élire le candidat de l’opposition - à la tête du parti Congrès démocratique national (NDC) - John Dramani Mahama, qui a dirigé le Ghana de 2012 à 2017, RSF l’appelle à garantir une liberté de la presse pleine et entière en favorisant l’exercice du journalisme. En septembre, un député du NDC, Samuel Okudzeto Ablakwa, avait promis “d’abroger toutes les lois attentatoires à la liberté de la presse” et “d’inverser le climat de peur” auquel les médias font face s’il était élu.
Bien que le Ghana soit considéré comme un bon élève de la région en matière de démocratie, les journalistes continuent de travailler dans un environnement hostile. Sécurité des journalistes, indépendance des médias, accès à l’information… Les chantiers à mener sont nombreux. RSF appelle le nouveau président John Dramani Mahama à mettre en œuvre une série de mesures pour garantir le respect et la protection de la liberté de la presse.
Le plus gros chantier pour les nouvelles autorités demeure la sécurité des journalistes. Rien qu’en novembre dernier, deux attaques ont eu lieu : des policiers, un huissier et un commissaire-priseur ont envahi les locaux du groupe de médias Ignite Media Group (IMG) en pleine émission en pleine émission ; et un journaliste de Channel One TV a été entravé et coupé dans son travail par un parlementaire alors qu’il était en direct. Ce type d’entraves au travail des journalistes n’est pas isolé. En 2023, les locaux de la chaîne privée United TV ont été pris d’assaut par une vingtaine de partisans du parti au pouvoir en pleine émission, et un présentateur de la radio Dagbon FM a été agressé par deux assaillants dans son studio en direct, lors de la Journée mondiale de la liberté de la presse.
Les journalistes environnementaux sont aussi particulièrement ciblés par des attaques : le 20 octobre, trois journalistes du groupe de médias Multimedia Group Limited ont été violemment agressés par une dizaine d’hommes alors qu’ils effectuaient un reportage sur un site minier dans le sud du pays. Autre exemple en janvier 2022, quand une douzaine d’hommes ont pris d’assaut les locaux de la radio communautaire Radio Ada et ont agressé le présentateur d’une émission traitant de l'état de l'industrie minière du sel.
Cinq recommandations pour le nouveau Président
RSF adresse cinq recommandations au nouveau président du Ghana, John Dramani Mahama, afin de protéger les journalistes et le droit à l’information :
- Instaurer un climat plus sécurisé et protecteur pour les journalistes – en particulier pour les journalistes couvrant les questions environnementales – en mettant fin aux intimidations et aux agressions des journalistes dans l’exercice de leurs fonctions ;
- Promouvoir l’indépendance des médias en limitant la possibilité pour des personnalités politiques d’être actionnaire majoritaire ou propriétaire d’un média : un tiers des médias du pays appartient actuellement à des hommes politiques ou à des individus proches des principaux partis politiques, et le contenu produit est largement partisan ;
- Supprimer les frais pour les demandes d’accès aux informations : la loi sur l'accès à l'information de 2019 permet de facturer une somme d'argent si l’information est demandée dans une autre langue que l'anglais. Il est arrivé que des frais aillent jusqu’à 1 000 dollars, même si l’information est déjà en anglais. Cette loi empêche les journalistes d’accéder aux informations qu’ils cherchent.
- Redistribuer la publicité d’État de manière transparente et équitable pour améliorer les salaires des journalistes. Actuellement, la majeure partie des médias privés sont confrontés à des difficultés financières, tandis que les médias publics bénéficient des contrats publicitaires gouvernementaux.
- Mettre fin à l’impunité des attaques et des crimes commis contre les journalistes en ouvrant systématiquement des enquêtes pour poursuivre les auteurs, comme pour le journaliste d’investigation Ahmed Hussein-Suale, tué par balles en pleine rue. Presque six après, l’enquête, au point mort, doit avancer pour permettre de lui rendre justice.