Présidentielle au Cameroun : RSF fait le bilan des exactions contre la presse
Quelques jours après la réélection de Paul Biya à la tête du Cameroun, Reporters sans frontières (RSF) dresse le bilan des exactions commises contre les journalistes durant l’élection présidentielle.
La réélection officielle de Paul Biya, avec 71.28% des voix, à la tête du Cameroun pour un 7e mandat, aura été entachée de nombreuses exactions commises à l’encontre des journalistes et des médias.
Dimanche 21 octobre, plusieurs journalistes ont été interpellés par les forces de police alors qu’ils tentaient de couvrir une marche pacifique organisée par un député de l’opposition, dénonçant des fraudes qui auraient eu lieu pendant le scrutin. Lors de cette manifestation interdite par le sous-préfet, la correspondante de Reuters Josiane Kouagheu, son chauffeur, et le journaliste du quotidien Le Messager, Prince Fogue ont été arrêtés et conduits dans différents commissariats de la ville de Douala. Ils ont tous ont été libérés.
“L’arrestation de ces journalistes souligne l’atmosphère de crainte imposée par les autorités au Cameroun, déclare RSF. En les empêchant de couvrir une manifestation de l’opposition en période électorale, l’administration du président Paul Biya fait la démonstration que la presse camerounaise ne peut exercer correctement et librement son travail. Ces nouvelles atteintes à la liberté de la presse ne sont pas un présage encourageant pour la situation des journalistes et des médias sous le septième mandat du président Paul Biya.”
Ce même dimanche a également été marqué par de nombreuses perturbations sur internet. Selon un rapport du groupe Netblocks, l’accès aux sites ou applications WhatsApp et Facebook était très restreint, voire impossible selon les fournisseurs.
Un scrutin entaché de violences
Lors du scrutin du 7 octobre, de nombreux journalistes n’avaient pas pu couvrir l’appel aux urnes. Plusieurs bureaux de vote exigeaient une accréditation spécifique délivrée par le ministère de la Communication pour couvrir l’élection. Ce fut notamment le cas du bureau de vote de l’école publique de Bastos où sont allés voter le président Paul Biya et des membres de son gouvernement. Le préfet de la région de Biafra a également renvoyé de nombreux journalistes des bureaux de vote. Cette accréditation était également nécessaire pour assister au contentieux post-électoral et à la proclamation des résultats donné par le Conseil constitutionnel. D’après les informations obtenues par RSF, une journaliste de La Voix du Centre, Yelva Eyono, a également été détenue pendant plusieurs heures par les forces de police de Yaoundé.
C’est surtout dans les régions anglophones que les atteintes à la liberté de la presse ont été nombreuses. Dans la région Sud-Ouest, à Buea, une voiture appartenant au journal Cameroon Tribune a été attaquée par des sécessionnistes voulant perturber le scrutin. D’après le Syndicat national des journalistes camerounais (SNJC), des journalistes travaillant pour Mutations, Le Messager ou La Nouvelle expression ont également été menacés par des autorités de l’administration, leur reprochant de favoriser l’opposition dans la rédaction de leurs articles.
Sous les six précédents mandats de Paul Biya, les autorités ont fait peser de réelles menaces sur les journalistes et les médias. En mars dernier, un journaliste avait été violemment agressé et humilié par le service de sécurité du ministre des Transports.
Le Cameroun occupe la 129ème place du Classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières en 2018.