Pour protéger la liberté de la presse face aux plateformes, RSF demande à l'UE de garantir l’accès aux données journalistiques

À l’approche de la finalisation des modalités d’accès des chercheurs aux données des plateformes numériques, dans le cadre du règlement européen sur les services numériques, Reporters sans frontières (RSF) appelle l’Union européenne à garantir une mise à disposition claire et effective des données relatives aux contenus journalistiques. Dans une réponse adressée à la consultation publique de la Commission européenne, l’organisation souligne l’importance cruciale de ces données pour protéger la liberté de la presse et le pluralisme dans l’espace numérique.

Alors que les moteurs de recherche et les plateformes numériques génèrent l’essentiel de l’audience des médias en ligne, ces acteurs verrouillent l’accès extérieur à leurs données, rendant difficile toute analyse indépendante de la diffusion des contenus journalistiques. Le règlement européen sur les services numériques (Digital services Act, DSA) entend y remédier en instituant un droit d’accès aux données pour les autorités nationales compétentes et les chercheurs agréés. 

Cependant, les conditions de cet accès, récemment précisées par la Commission européenne et soumises à consultation publique jusqu’au 10 décembre, demeurent restrictives et hasardeuses.

“Nous sommes dans une situation où une poignée d’entreprises privées, aux ordres des intérêts économiques ou de l’idéologie de leurs propriétaires, contrôlent l’accès de cinq milliards de citoyens à l’information journalistique. Si l’ouverture des données des plateformes prévue par le DSA représente une avancée salutaire pour plus de transparence, l’accès reste semé d’embûches et entouré de flous juridiques. RSF demande à la Commission européenne des garanties pour empêcher que les plateformes ne freinent abusivement l’accès à leurs données, en particulier celles relatives aux contenus journalistiques.

Arthur Grimonpont
Responsable du bureau enjeux globaux de RSF

Au cours des derniers mois, les plateformes numériques ont intensifié les restrictions d’accès à leurs données. Ce processus a atteint son point culminant en août 2024, avec la suppression de CrowTangle, l’outil de Meta permettant d’analyser la circulation de la désinformation sur Facebook et Instagram. En parallèle de cette décision vivement critiquée par les chercheurs et la société civile, ces entreprises ont considérablement réduit la visibilité des contenus journalistiques sur leurs plateformes. En 2023, l’audience des médias en ligne a ainsi chuté de 48 % sur Facebook et de 27 % sur X (anciennement Twitter).

Le DSA impose aux plateformes numériques et aux moteurs de recherche de fournir aux autorités nationales compétentes, ainsi qu’aux chercheurs agréés qui en font la demande, les données nécessaires à l’étude, à la prévention et à l’atténuation des “risques systémiques”. Ces risques incluent les impacts négatifs de leurs services sur la “liberté d’expression et d’information, y compris la liberté et le pluralisme des médias”. Alors que les plateformes sont visées par des procédures de la Commission européenne qui leur demande plus de transparence, le flou juridique autour des données à collecter, et des modalités de mise à disposition, risque à l’inverse de leur fournir des moyens de se soustraire à leurs obligations.

Pour garantir la possibilité d’effectuer des recherches indépendantes relatives à la liberté de la presse et le pluralisme de l’information en ligne, RSF a répondu à la consultation de la Commission et a formulé ces trois demandes :

  • obliger les plateformes et les moteurs de recherche, à collecter, compiler et fournir aux autorités compétentes et aux chercheurs agréés, les données d’audience, de recommandation, de modération et de (dé)monétisation des contenus journalistiques, avec un haut niveau de granularité temporelle, géographique et thématique ;
  • mettre en place des garde-fous pour s’assurer que la protection des informations confidentielles ou le secret des affaires ne puissent être invoqués pour bloquer abusivement l’accès aux données relatives aux contenus journalistiques ;
  • clarifier les cas où la protection des informations confidentielles ou le secret des affaires pourront être légitimement invoqués, tout en excluant clairement du périmètre les données d’intérêt public relatives au journalisme.
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