Alors que Wen Jiabao vient défendre en Europe les réformes mises en place par la Chine, les autorités de Canton ont emprisonné trois journalistes de la presse réformatrice, notamment Cheng Yizhong. Deux d'entre eux ont été condamnés à des peines de onze et douze ans de prison.
La Cour intermédiaire de Canton a réduit en appel les peines de prison de Yu Huafeng et Li Minying, responsables du quotidien Nanfang Dushi Bao. Yu Huafeng, l'ancien directeur de publication, a été condamné à huit ans d'emprisonnement alors qu'il avait écopé de douze ans en première instance. Il prévoit de faire de nouveau appel de cette décision. Li Minying, ancien rédacteur en chef, a vu sa peine réduite de onze à six ans de détention. Les juges ont déclaré, selon l'agence de presse officielle Xinhua : "Les premiers verdicts étaient basés sur des faits clairs et des preuves réelles ; le verdict a puni le crime et la procédure judiciaire était légale, mais la punition était relativement lourde." L'avocat des journalistes, Xu Zhiyong, a défendu l'innocence de ses clients : "Nous pensons tous que c'est une injustice." Par ailleurs, l'ancien rédacteur en chef du Nanfang Dushi Bao, Cheng Yizhong, est toujours détenu sans jugement par la police de Canton dans la même affaire.
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Reporters sans frontières interpelle le Premier ministre chinois sur l'affaire du quotidien Nanfang Dushi Bao07.05.2004
A l'occasion de la tournée européenne (Allemagne, Belgique, Italie, Royaume-Uni et Irlande) du Premier ministre chinois Wen Jiabao, pour renforcer le dialogue et la coopération entre l'Union européenne et la Chine et défendre les réformes engagées par son gouvernement, Reporters sans frontières lance un appel à Wen Jiabao pour qu'il se prononce publiquement sur la détention de trois responsables du quotidien réformateur Nanfang Dushi Bao, dont le célèbre journaliste Cheng Yizhong.
"On ne peut pas venir en Europe défendre les réformes initiées en Chine et dans le même temps tolérer que trois journalistes réformateurs soient condamnés à de lourdes peines de prison pour avoir publié des articles qui gênent les autorités", a affirmé Reporters sans frontières dans une lettre envoyée aux ambassades chinoises des pays visités par le Premier ministre. La crédibilité de la politique de réformes du gouvernement de Wen Jiabao est mise à mal par cette affaire du Nanfang Dushi Bao. L'organisation demande également aux gouvernements des pays européens visités par Wen Jiabao d'intervenir en faveur de ces trois journalistes.
L'organisation demande la libération de Yu Huafeng, Li Minying et de Cheng Yizhong et la fin des poursuites engagées contre les anciens responsables du Nanfang Dushi Bao.
Depuis le 20 mars 2004, Cheng Yizhong, ancien rédacteur en chef du Nanfang Dushi Bao (Les nouvelles de la métropole du Sud), est emprisonné sans jugement par la sécurité publique de Canton. La veille de son arrestation, un tribunal populaire de Dongshan (province du Guangdong) avait condamné Yu Huafeng et Li Minying, respectivement ancien directeur général et ancien directeur du quotidien Nanfang Dushi Bao, à douze et onze ans de prison pour "corruption" et "détournement de fonds publics". Le procureur a affirmé que Yu Huafeng avait "dérobé" 100 000 yuans (près de 10 000 euros) au journal et réparti 480 000 yuans (près de 47 000 euros) entre des cadres du quotidien dont les recettes publicitaires s'élevaient en 2003 à près de 100 millions d'euros.
Ces arrestations sont, en fait, liées à une série d'enquêtes publiées par ce quotidien libéral de Canton, notamment sur le SRAS et le décès d'un jeune graphiste, Sun Zhigang, battu à mort dans un commissariat de Canton. Les journalistes avaient été licenciés du journal avant d'être placés en détention.
Cette cabale montée par les autorités locales, dont le chef de la police de Canton, Zhu Suisheng, contre ce quotidien audacieux vise à perpétuer le climat de peur parmi les journalistes chinois dont Reporters sans frontières a recueilli plusieurs témoignages. Ils se disent "anéantis" et "effrayés" par l'arrestation des trois journalistes.