Paramilitaires : des ‘Aigles noirs' prêts à fondre sur la presse

Du 28 avril au 5 mai 2007, Reporters sans frontières s'est rendue en Colombie pour enquêter sur la situation des médias, dans le contexte de la démobilisation des paramilitaires. L'organisation publie le rapport qui fait suite à cette mission.

De mars 2003 à mars 2006, 30 000 paramilitaires, autrefois recrutés comme supplétifs de l'armée pour faire pièce aux guérillas d'extrême gauche, ont fait l'objet d'un processus de démobilisation engagé par le président de la République Alvaro Uribe. Pourtant, bien peu de ces miliciens se sont réellement réinsérés dans la société civile, et beaucoup, se livrant au narcotrafic, continuent de semer la terreur, en particulier contre les médias locaux. Votée en juillet 2005, la loi Justice et Paix, en prévoyant cinq à huit ans de prison pour les crimes les plus graves, leur garantit une impunité quasi totale. En 2006, les prétendus “démobilisés” se sont rendus coupables de deux assassinats de journalistes, dont celui de Gustavo Rojas Gabalo dit “El Gaba”, de Radio Panzenú, le 4 février 2006 à Montería (Nord-Ouest). Très présents dans les départements de la côte caraïbe, des groupes reconstitués, comme celui des “Aigles noirs”, ont mené plusieurs opérations d'intimidation contre des rédactions, forçant une dizaine de journalistes à l'exil. A l'heure où le gouvernement d'Alvaro Uribe est éclaboussé par un scandale pour ses liens avec le paramilitarisme - liens parfois confirmés par certains chefs paramilitaires eux-mêmes, comme Salvatore Mancuso, Reporters sans frontières a voulu évaluer l'impact réel du processus de démobilisation sur l'activité des journalistes. Du 28 avril au 5 mai, profitant de la Journée internationale de la liberté de la presse célébrée à Medellín, l'organisation est rendue en Colombie et notamment à Montería, vivier du paramilitarisme. Rencontrant des journalistes locaux ou nationaux, en activité ou en exil, des hommes politiques, des militants d'organisations de défense des droits de l'homme et de la liberté d'expression, Reporters sans frontières a pu constater le poids persistant de la menace paramilitaire et l'autocensure à laquelle elle contraint les journalistes locaux. L'organisation s'inquiète également des pressions pesant sur certains médias au niveau gouvernemental, et de l'inégal traitement des journalistes qui vivent et travaillent dans l'insécurité. Ce rapport, consacré aux paramilitaires, n'exonère en rien les mouvements de guérilla de leur responsabilité dans les attaques contre la presse en Colombie. Si Reporters sans frontières a enlevé de sa liste des prédateurs l'Armée de libération nationale (ELN), actuellement en pourparlers de paix avec le gouvernement, l'organisation y a maintenu les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), au même titre que les paramilitaires.
Publié le
Updated on 20.01.2016

Related document