Och : le pouvoir change, la censure reprend

Le 15 avril, le Conseil de coordination du gouvernement provisoire dans la région d'Och, au sud du pays, a décidé d'instaurer un nouveau système de censure. Alors que l'opposition reprochait au président Bakiev et à son administration de ne pas respecter les libertés fondamentales, le nouveau pouvoir kirghize semble emprunter la même voie. Reporters sans frontières dénonce cette dérive, et appelle une nouvelle fois le gouvernement de Rosa Otunbaïeva , présidente par intérim, à respecter ses déclarations en faveur de l'Etat de droit. Les autorités interdisent les télévisions Och-TV, Mezon-TV, ElTR et Keremet, ainsi que de nombreux journaux tels que Itogi Nedeli, Och Janirigi, Och Sadoci et Ekho Ocha de publier ou diffuser certaines informations sans autorisation préalable. Les actions politiques, les manifestations populaires ou autres réunions, ainsi que les points de vue des citoyens deviennent ainsi des sujets tabous aux yeux du Conseil de coordination. Il est également précisé qu'en cas d'infraction à cette décision, les responsables des médias concernés seraient punis en vertu des lois du gouvernement intérimaire. A en croire le document établissant cette censure préalable, la décision a été prise pour "stabiliser la situation politique dans le pays, améliorer le moral et éviter les provocations des partisans du gouvernement précédent". Och est la deuxième ville du pays et regroupe la plupart des soutiens à Bakiev, président déchu. Surnommée la capitale du Sud, la ville est actuellement en proie aux conflits entre pro-Bakiev et pro-nouveau gouvernement. Les nouvelles autorités semblent craindre que les médias ne se fassent l'écho du Président Bakiev et de ses partisans. Le 15 avril, Och-TV a diffusé un reportage sur la manifestation pacifique des partisans de Bakiev. Lors d'une conférence de presse dans les bureaux du gouverneur de la région, un agent de sécurité a demandé pourquoi cette diffusion avait lieu. Les journalistes de la télévision sont accusés d'être des sympathisants de l'ancien président. Ils ont été verbalement agressés et l'agent de sécurité a menacé de faire en sorte que Och-TV soit fermée. Le gouverneur a présenté ses excuses pour cette altercation et promis de se pencher sur l'incident. Il semblerait que ce soit dans cette même optique, limiter les informations sur Bakiev, que Vugar Khalilov, ancien journaliste britannique, ait été arrêté le 12 avril dernier. Installé depuis un an au Kirghizstan, le journaliste a été interpellé à Bichkek par les forces de l'ordre pour blanchiment d'argent. Si le journaliste nie fermement ces accusations, il a tout de même été condamné le 15 avril à 60 jours de détention. Vugar Khalilov a créé, à son arrivée dans le pays, une entreprise de relations publiques qui compte parmi ses clients des sociétés liées aux anciens membres du gouvernement. Arrêté le 12 avril dans la soirée, Vugar Khalilov n'a pas pu faire appel à l'assistante consulaire à laquelle tout ressortissant étranger a droit, et n'a pu s'entretenir avec son avocat que brièvement lors de l'audience au tribunal le 15 avril. Selon ses proches et collègues, son arrestation aurait pour but de l'empêcher de rentrer en contact avec des journalistes et des membres de l'ancien gouvernement. Il s'agirait de couper les communications avec le régime Bakiev. L'ambassade de Grande-Bretagne a publié une note diplomatique dans le courant de la semaine dernière, indiquant que les droits de Vugar Khalilov étaient violés. Le consul honoraire a tenté, à plusieurs reprises, de rencontrer le journaliste, mais sans succès.
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Updated on 20.01.2016