Novembre noir pour la presse : Reporters sans frontières condamne le comportement de certains élus et regrette le silence du gouvernement

Une tentative d'attentat et de multiples agressions contre des journalistes, commises par des élus locaux, ont émaillé ce mois de novembre. Reporters sans frontières s'élève contre l'apparente impunité des agresseurs et appelle le gouvernement à faire respecter concrètement la liberté de la presse.

Reporters sans frontières exprime son inquiétude au vu des menaces et des attaques perpétrées contre des professionnels de la presse dans plusieurs localités du pays, au cours du mois de novembre 2007. Le 11 novembre, le maire de la localité de Huari (Ouest), ses hommes de main armés et plusieurs fonctionnaires municipaux ont failli attenter à la vie du journaliste José Ramírez Villacorta. Deux jours après, le maire d'Otuzco (Nord-Ouest) a brutalement expulsé une journaliste pendant une session publique du conseil municipal. Des journalistes des stations de radio FM 98 à Huánuco (Centre) et La Karibeña à La Joya (Sud) ont également fait l'objet d'intimidations. “La corruption locale et la recrudescence du narcotrafic rendent extrêmement difficile le travail de la presse locale. Les journalistes de province ont subi un véritable novembre noir et nous condamnons sans réserve les représailles ou les intimidations exercées à leur encontre par des élus, qui s'imaginent que leur fonction leur garantit l'impunité. La mansuétude judiciaire dont ont récemment bénéficié deux élus, chacun soupçonné d'avoir commandité l'assassinat d'un journaliste en 2004, constitue un très mauvais signal. Nous sommes également au regret de constater que le gouvernement, et en particulier le ministère de l'Intérieur, reste sourd à nos appels répétés à faire respecter concrètement la liberté de la presse, une liberté reconnue par la Constitution”, a déclaré Reporters sans frontières. Le 11 novembre 2007, à l'aube, José Ramírez Villacorta, journaliste au quotidien La Primera, a été pris en embuscade alors qu'il circulait en voiture avec son chauffeur et deux amis dans la localité de Huari. Trois camionnettes, dont une de la municipalité, avec à son bord, le maire de Huari, Edwards Delfio Vizcarra Zorrilla, et plusieurs fonctionnaires municipaux, les ont pris en filature. Après avoir intercepté la voiture du journaliste, l'élu, ses deux gardes du corps armés, deux conseillers municipaux, Hubert Solís et Miguel Navas, et trois policiers sont descendus et l'ont fait sortir de force du véhicule. Prenant la fuite, José Ramírez Villacorta dit avoir entendu le maire ordonner de le tuer. L'élu l'a également soupçonné d'être l'auteur d'un tag accusant le président de la région Ancash de corruption. José Ramírez Villacorta enquête depuis quelques mois sur l'implication du maire dans des affaires de corruption. “Il m'a poursuivi en tirant des balles en l'air, mais j'ai réussi à lui échapper. Ils m'ont volé ma caméra et un magnétophone”, a déclaré le journaliste à Reporters sans frontières. La police a interpellé les accompagnateurs du maire et a saisi une arme à feu. José Ramírez Villacorta a porté plainte auprès du procureur de Huari contre vingt-cinq personnes dont Edwards Delfio Vizcarra Zorrilla, pour avoir mis sa vie en danger. Le 13 novembre, le maire d'Otuzco, Diómedes Venero Ortecho, a violemment bousculé et expulsé la journaliste Sandra Landero, de la station Radio Chami, d'une session publique du conseil municipal, alors qu'elle avait l'autorisation d'y assister. Précédemment, la station avait lancé une campagne “de vigilance citoyenne” contre la corruption et avait dénoncé des fraudes impliquant l'élu. Oscar Fajardo, directeur de Radio Chami, a confié à Reporters sans frontières que le maire d'Otuzco cherchait à limiter la liberté d'information et harcelait les journalistes. L'élu a fait prendre des photos de plusieurs professionnels des médias et organisé une campagne de dénigrement dans les bulletins municipaux. “C'est un homme très agressif qui n'aime pas être sous l'œil des médias. Je crains même que l'on ne tue un journaliste. La situation est difficile et tendue”, a déclaré Oscar Fajardo à l'organisation, ajoutant qu'il rendrait le maire responsable de toute nouvelle attaque contre un reporter de Radio Chami. Le lendemain, Jhon Rupay Machaguay, de la station de radio FM 98 à Huánuco, a été frappé et menacé par Gustavo Sotomayor Quipusco, conseiller municipal de la localité de Mariano Dámaso Beraún. Ce dernier a cherché, sans succès, à prendre au journaliste des documents compromettants pour le maire, Freddy Fernández. Le 6 novembre, un proche du maire de la localité de La Joya a menacé par téléphone le gérant de la radio La Karibeña, David Luque Ylaquita, qui avait tenté avec ses confrères, Miguel Carazas et Walter Payé, d'obtenir des informations sur le montant des dépenses de la municipalité. Au même moment des inconnus ont lancé des pierres contre les locaux de la station.
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Updated on 20.01.2016