Nouvelle offensive du gouvernement contre WikiLeaks à l’appui d’une loi controversée sur la confidentialité des données

Les révélations du Wall Street Journal publiées le 10 octobre 2011 au sujet des décrets “secrets” émis par le gouvernement américain contre le site WikiLeaks ont relancé le débat sur l’Electronic Communications Privacy Act de 1986. Le 4 janvier et le 15 avril 2011, le gouvernement américain a enjoint par décret les fournisseurs d’accès Google Inc. et Sonic.net Inc. à fournir les adresses IP et adresses électroniques de tous les contacts de Jacob Appelbaum depuis le 1er novembre 2009. Jacob Appelbaum, développeur de TOR, logiciel libre qui permet l’anonymat des échanges sur Internet, est aussi et surtout représentant de WikiLeaks depuis juillet 2010. C’est dans le cadre de l’enquête sur la fuite des câbles diplomatiques que le gouvernement américain a pris cette mesure ciblée contre lui. C’est le même procédé qui avait permis au gouvernement d’obtenir de Twitter les données personnelles de Jacob Appelbaum, Birgitta Jonsdottir et Rop Gonggrijp, également collaborateurs de WikiLeaks, le 11 mars 2011. L’affaire WikiLeaks devient ainsi un banc d’essai pour l’interprétation d’une loi déjà ancienne et controversée. L’Electronic Communications Privacy Act permet d’obtenir des messages électroniques, des informations de géolocalisation ainsi que d’autres données digitales, et ce sans mandat de perquisition ni preuve qu’un délit a été commis. Il suffit en principe au gouvernement de prouver que ces données sont “pertinentes et utiles” dans le cadre de l’enquête. La personne visée par l’enquête n’en est pas informée, car les décrets prévus par cette loi sont scellés, et le fournisseur d’accès à Internet est interdit de prévenir son client. “L’Electronic Communications Privacy Act représente une véritable entorse aux garanties de confidentialité que tout internaute peut revendiquer. En l’occurrence, le dispositif tel qu’utilisé contre WikiLeaks et l’un de ses représentants tient de la procédure d’exception, au mépris des droits élémentaires dont doit bénéficier toute personne mise en cause dans une enquête. Nous demandons aux fournisseurs d’accès concernés de ne pas accéder à la demande du gouvernement et au gouvernement de justifier publiquement de la ‘pertinence’ et de l’‘utilité’ de la requête. Le moindre échange de courriel de Jacob Appelbaum doit-il être frappé de suspicion ?”, s’est interrogé Reporters sans frontières. Une initiative de Google datant de 2009, Google Transparency report, avait déjà permis de prendre la mesure de la fréquence de ce types d’interventions décrétées en haut lieu. Les États-Unis figurent à la première position du classement des pays exigeant des renseignements sur les utilisateurs, avec 4 601 demandes entre juillet et décembre 2010, dont 94% ont été satisfaites par Google. Promulguée à une époque où l’on stockait ses données sur un ordinateur et non pas sur Internet, cette loi semble aujourd’hui caduque. Une coalition d’entreprises des nouvelles technologies, dont Google et Microsoft, fait pression sur le Congrès pour qu’elle soit amendée. Des audiences ont déjà eu lieu au Sénat en avril et mai 2011, sans modification du texte. La question de la constitutionnalité de l’Electronic Communications Privacy Act s’est également posée : en décembre 2010, la Cour d’appel fédérale des États-Unis a estimé que le gouvernement avait violé le quatrième amendement de la Constitution en appliquant l’Electronic Communications Privacy Act pour obtenir des messages électroniques privés sans mandat de perquisition.
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Updated on 20.01.2016