Nouvelle offensive des services de renseignement soudanais contre la presse privée
Reporters sans frontières (RSF) dénonce les pressions de l'Agence de renseignement soudanaise à l’encontre des journalistes et médias critiques au Soudan. En moins d’une semaine, deux quotidiens privés ont été suspendus et deux journalistes interpellés pour avoir évoqué des sujets sensibles.
Confiscations, arrestations et interrogatoires... Depuis une semaine, les services de renseignement et de sécurité soudanais (NISS) mènent une nouvelle offensive pour museler la presse. Les éditions tout juste imprimées du quotidien Al-Tayyar ont été confisquées les 10 et 11 juin 2018 par les agents du NISS à la suite d’une chronique de Shamael al-Nur publiée le 9 juin. La journaliste y affirmait que la démission du président serait bénéfique pour l’économie nationale. Convoquée deux fois par l’agence de renseignement, elle a dit avoir subi un interrogatoire serré. “Ils m’ont rappelé qu’il y avait des lignes rouges à ne pas franchir et que le président était l’une d’elles”, a confié la chroniqueuse jointe par RSF.
Le 13 juin, les agents du NISS ont confisqué les éditions du quotidien Alyoum Altaly sans raison. Une semaine plus tôt, ils avaient interdit au quotidien Al-Jareeda de distribuer ses journaux avant 11h du matin, limitant la diffusion à la seule capitale Khartoum. Pour avoir relayé cette information, le journaliste Ahmed Younes, correspondant du quotidien Al Sharq Al Awsat basé à Londres, a lui aussi été arrêté et interrogé plusieurs heures par les agents de renseignement dès le lendemain. Contacté par RSF, le journaliste, qui avait déjà été interpellé le mois dernier pour un article sur les divisions du parti au pouvoir, a affirmé avoir reçu “l’interdiction formelle d’écrire sur certains sujets” sous peine de se voir retirer son accréditation et d’être jeté en prison. “Le problème est que les ‘lignes rouges’ dont ils font mention n’ont rien d’officiel et varient selon l’agent qui vous interroge”, a-t-il expliqué.
“Les services de renseignement soudanais doivent cesser d’opérer comme une ‘police éditoriale’ qui censure les journalistes et réprime systématiquement toute publication critique, énumérant à leur gré les sujets tabous, dénonce Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Il en va de la survie de la presse libre au Soudan.”
En février 2018, RSF avait déjà dénoncé une “chasse aux journalistes” après une série d'arrestations menée par les agents du renseignement. Les 5 et 6 mai derniers, les quotidiens Al-Jareeda et Al-Watan avaient également été confisqués sans raison.
Le Soudan occupe la 174ème place sur 180 dans le Classement 2018 de la liberté de la presse établi par RSF.