Nouvelle expulsion d’un journaliste critique
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Reporters sans frontières proteste énergiquement contre l’interdiction faite au célèbre journaliste américain David Satter de se rendre en Russie pendant cinq ans. Cette décision, rendue publique le 14 janvier 2014 par le ministère russe des Affaires étrangères, sanctionne officiellement le séjour irrégulier dans ce pays du journaliste pendant cinq jours, du 22 au 26 novembre 2013. Cette explication contestable s’est longtemps fait attendre : le diplomate qui avait signifié à David Satter son refus de visa, fin décembre, s’était contenté de lui expliquer que sa présence sur le territoire russe était “indésirable”.
“Nous sommes choqués par la disproportion entre les faits reprochés à David Satter et la sanction qui lui est infligée. Et ce, d’autant plus que l’infraction semble résulter d’un retard imputable au ministère des Affaires étrangères russe. Comme d’autres correspondants étrangers expulsés ces dernières années, le journaliste américain est connu pour ces critiques acerbes vis-à-vis du régime de Vladimir Poutine. Ce qui ne fait que renforcer l’impression que le traitement dont il fait l’objet est lié à ses activités professionnelles”, a déclaré Reporters sans frontières.
“Une telle violation de la liberté de l’information est un mauvais signe adressé aux médias internationaux à quelques semaines des Jeux olympiques d’hiver de Sotchi. Nous demandons aux autorités russes de revenir sur leur décision et d’autoriser David Satter, dont toute la carrière est liée à la Russie, à reprendre ses activités”, a poursuivi l’organisation.
Ancien correspondant du Financial Times à Moscou, David Satter est également l’auteur de plusieurs ouvrages politiques sur la Russie contemporaine, dans lesquels il développe des vues très critiques à l’égard du Kremlin. Une version abrégée de son essai de 2003 explorant les coulisses de l’ascension de Vladimir Poutine, “Darkness at Dawn: The Rise of the Russian Criminal State”, est parue en Russie en février 2013. Suite aux attentats de Volgograd, le 29 décembre dernier, il s’est fait remarquer en qualifiant de “zone de guerre” la région de Sotchi.
David Satter était revenu vivre dans la capitale russe en septembre 2013 en tant que conseiller de Radio Free Europe / Radio Liberty. Dès la réception de son accréditation officielle, il a entrepris, début novembre, les démarches nécessaires au remplacement de son visa d’affaires par un visa journalistique, l’autorisant à séjourner dans le pays de façon plus durable. Selon les explications détaillées du journaliste, l’invitation promise par le ministère des Affaires étrangères russe pour le 22 novembre, qui devait lui permettre de récupérer son visa le jour même, ne lui a été remise que quatre jours plus tard, le plaçant du même coup dans l’illégalité. En conséquence, David Satter s’est vu refuser la délivrance de son visa, condamné à une amende administrative et contraint de quitter le pays pour reprendre ses démarches à zéro depuis Kiev. Une vingtaine de jours plus tard, assuré que son visa lui serait enfin délivré et muni de toutes les références correspondantes, il s’est pourtant vu signifier à l’ambassade russe, le 25 décembre, qu’”aux yeux des organes compétents, sa présence en Russie (était) indésirable”.
Malgré les demandes officielles des autorités américaines, le ministère des Affaires étrangères russe n’a donné d’explications qu’une fois l’affaire rendue publique, le 14 janvier. David Satter, quant à lui, reconnaît avoir été placé en situation irrégulière mais estime que la faute en incombe aux autorités russes, et qu’il ne s’agit que d’un prétexte destiné à l’empêcher d’exercer ses activités professionnelles.
Si David Satter est le premier journaliste américain à être interdit de séjour en Russie depuis la fin de la guerre froide, d’autres correspondants étrangers critiques du Kremlin ont fait l’objet d’un traitement similaire ces dernières années. Luke Harding, correspondant britannique du quotidien The Guardian, a ainsi été expulsé en 2011, et Natalia Morar, journaliste moldave collaborant avec l’hebdomadaire d’opposition russe The New Times, a été déclarée persona non grata en 2007. Plus récemment, le photographe hollandais Rob Hornstra et le documentariste Arnold van Bruggen, auteurs de “The Sochi Project”, se sont vus refuser l’entrée sur le territoire russe en septembre 2013.
Les journalistes étrangers les plus critiques n’en restent pas moins relativement protégés par rapport à leurs homologues russes, confrontés à un harcèlement judiciaire qui peut parfois les mener jusqu’en prison.
La Russie occupe la 148ème place sur 179 dans le classement mondial 2013 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.
(Photos : Radio Free Europe/Radio Liberty)
Publié le
Updated on
20.01.2016